La querelle entre le Qatar et l'Egypte profite à Azoulay qui prend la tête de l'Unesco - DIA
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La querelle entre le Qatar et l’Egypte profite à Azoulay qui prend la tête de l’Unesco

DIA-13 octobre 2017: Audrey Azoulay, ancienne ministre française de la Culture, a été élue vendredi soir directrice générale de l’Unesco face au Qatari Hamad Al-Kawari, au terme d’une élection marquée par de multiples rebondissements, dont le retrait des Etats-Unis et d’Israël de cette agence internationale.

Lors de l’ultime tour d’un scrutin très serré entamé lundi, les 58 membres du Conseil exécutif de l’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture, ont préféré la candidate Française au représentant qatari, par 30 voix contre 28.

Audrey Azoulay a reçu le soutien de l’Egypte, dont la candidate avait été éliminée sur la dernière ligne droite.

Mais Le Caire a néanmoins demandé à l’Unesco, dont le siège se trouve dans la capitale française, « la vérification des violations détectées tout au long du processus électoral », selon un porte-parole du ministère égyptien des Affaires étrangères.

Le candidat du Qatar, qui faisait la course en tête depuis le début malgré la résurgence de vieux soupçons d’antisémitisme relayés par le Centre Simon Wiesenthal Europe, ne faisait pas l’unanimité des pays arabes en délicatesse avec Doha.

En juin, l’Arabie saoudite, les Emirats arabes unis, Bahreïn et l’Egypte ont en effet rompu leurs relations diplomatiques avec le Qatar, l’accusant de soutenir des groupes extrémistes et de se rapprocher de l’Iran.

Ces quatre pays ont imposé un embargo au Qatar, qui a rejeté toutes les accusations à son encontre, y voyant une ingérence dans sa politique étrangère.

La bataille a cependant été âpre pour prendre le leadership d’une organisation déjà fragilisée par ses dissensions et ses difficultés économiques, et à laquelle les Etats-Unis et Israël avaient porté « un coup dur » avec l’annonce jeudi de leur départ, selon la directrice générale sortante de l’organisation, la Bulgare Irina Bokova.

Washington et Tel Aviv ont voulu ainsi exprimer leur exaspération face à une organisation qu’ils accusent d’être devenue anti-israélienne. Les Etats-Unis avaient déjà suspendu leur contribution financière régulière il y a six ans.

– ‘Politisation’ –

C’est l’admission en 2011 de la Palestine au sein de l’Unesco qui avait entraîné cette interruption des versements de fonds, représentant près du quart du budget de l’agence, par Israël et les Etats-Unis.

Dès avant l’annonce de jeudi, François Chaubet, un professeur français d’histoire contemporaine, estimait d’ailleurs qu' »un des enjeux » de l’élection serait de « ramener les Etats-Unis dans les contributeurs ». Partis une première fois en 1984, ils étaient revenus en 2002.

« Pour honorer ses slogans nationalistes, Trump a choisi de faire le sacrifice de l’Unesco, c’était la décision qui coûtait le moins cher… », a commenté l’historien français Bertrand Badie.

« Si Donald Trump était partisan des institutions multilatérales, cela se saurait », a pour sa part relevé François Heisbourg, conseiller spécial de la Fondation de la recherche stratégique.

La décision américaine a néanmoins été une « triste nouvelle » ou un motif de « regret », voire de « déception », à Paris, à Moscou, dans les instances dirigeantes de l’ONU et de l’Unesco, mais aussi dans les milieux culturels et universitaires américains.

Pour Mme Bokova, « c’est l’universalité de l’organisation qui est en jeu ». Et le multilatéralisme dans l’ADN de l’organisation, ajoute-t-on de sources diplomatiques.

Vendredi, Berlin a appelé de ses voeux à « une Unesco forte ». Mais le porte-parole de la chancelière Angela Merkel, Steffen Seibert, a également rappelé que le gouvernement allemand « critiquait aussi depuis quelque temps la politisation (du) travail très important » effectué par l’Unesco, « par certains membres ».

« Nous mettons tous nos espoirs dans le ou la futur(e) secrétaire général(e) et attendons que cette nouvelle personne à la tête mène les réformes de l’organisation », a-t-il ajouté.

A des journalistes vendredi après-midi, Mme Azoulay a affirmé que sa candidature visait notamment à « restaurer l’efficacité et la crédibilité » de l’agence qui « traverse une crise politique profonde ».

Azouley, une personnalité proche du Maroc et d’Israel

Femme de gauche marquée par une enfance franco-marocaine où les livres abondaient, spécialiste du cinéma, la Française Audrey Azoulay, qui possède la nationalité française et marocaine. Née le 4 août 1972 à Paris, dans une famille juive marocaine, originaire d’Essaouira. Son père est le banquier et homme politique André Azoulay, conseiller de l’actuel roi du Maroc comme il l’avait été de son père Hassan II. Sa mère est la femme de lettres Katia Brami. Une famille baignant dans la culture du livre et des débats..  

L’ancienne ministre française de la Culture avait déposé sa candidature à la tête de l’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture in extremis, en mars dernier, en faisant valoir que « la France était très légitime sur la culture, l’éducation, les sciences ».

Pendant sa campagne, elle s’est plu à citer l’homme d’Etat français et figure du socialisme Léon Blum (1872-1950), selon lequel l’Unesco devait être « la conscience des Nations unies ».

Mais elle ne s’était consacrée entièrement à l’élection à venir pour la direction générale de l’agence onusienne qu’après avoir quitté son ministère, à la suite de la victoire à l’élection présidentielle d’Emmanuel Macron en mai.

Audrey Azoulay avait été désignée ministre en février 2016. Une nomination surprise car cette proche du président d’alors, François Hollande, était peu connue du grand public et sans expérience politique.

Elle peut se targuer d’un CV bien rempli : ancienne élève de l’Ecole nationale d’administration, qui forme les élites françaises, maîtrises de gestion à l’université Paris Dauphine et à l’université britannique de Lancaster, Sciences-Po à Paris. Elle a travaillé durant ses études dans le secteur bancaire, expérience qu’elle dit avoir « détestée ». Elle a ensuite été magistrate à la Cour des comptes après avoir occupé plusieurs fonctions à la Direction des médias du ministère de la Culture.

Elle est entrée au Centre national du cinéma (CNC) comme directrice financière en 2006, avant de devenir, de 2011 à 2014, la numéro deux de cet organisme en charge du système d’aide à la création cinématographique.

– Exception culturelle –

« C’est une femme brillante et passionnée, une amie des artistes et de la création », avait commenté en 2014 la présidente du CNC, Frédérique Bredin.

« Ce qui m’a construite le plus professionnellement, c’est le cinéma », disait Audrey Azoulay, qui a sans cesse défendu l’exception culturelle française face à la puissance américaine.

Passant pour avoir un tempérament énergique et enjoué, elle a été nommée en août 2014 conseillère de François Hollande chargée de la Culture et de la Communication.

Elle a épaulé le président sur les dossiers comme la protection des droits sur Internet, l’accompagnant lors de ses sorties culturelles.

Elle n’aura passé que peu de temps au ministère de la Culture, faisant essentiellement campagne pour le bilan culturel de M. Hollande, réussissant toutefois à obtenir du chef de l’État une rallonge de son budget en septembre 2016, alors qu’il avait été largement sabré les années précédentes.

A son arrivée au ministère, contrairement à Fleur Pellerin, spécialiste du numérique qui l’avait précédée à ce poste, Audrey Azoulay ne semblait pas très « connectée »: elle n’avait pas de compte officiel sur les réseaux sociaux. Cela a été rapidement réparé.

Amir Hani

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