La religion au 21ème siècle : un petit goût de Moyen Age ? - DIA
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La religion au 21ème siècle : un petit goût de Moyen Age ?

DIA-18 juin 2016: On a déformé, à tort, les propos d’André Malraux en lui attribuant la fameuse phrase disant que « le 21è siècle sera religieux ou ne sera pas ». Or au vue de ce qu’il a vraiment dit, il a montré une plus grande clairvoyance en prédisant le comportement actuel des hommes. Sa réponse à une question sur le fondement religieux de la morale a été le terreau de cette phrase partiellement retenue par l’Histoire : « Depuis cinquante ans la psychologie réintègre les démons dans l’homme. Tel est le bilan sérieux de la psychanalyse. Je pense que la tâche du prochain siècle, en face de la plus terrible menace qu’ait connu l’humanité, va être d’y réintroduire les dieux. Le problème capital de la fin du siècle sera le problème religieux – sous une forme aussi différente de celle que nous connaissons … »[i].

Ainsi le mal est à l’intérieur de l’homme et pour déloger cette chose personnifiée sous la forme d’un démon, il faudra faire appel à des institutions, des philosophies, des armes intellectuelles personnifiées, elles aussi, sous la forme de Dieux. Car finalement ce qui trotte dans l’inconscient de l’homme se manifeste sous la forme métaphore du démon. La partie sombre de sa personne, ses psychoses, sa malveillance, ses méfaits ne peuvent être acceptés et expliqués que par la présence d’une entité extérieure le poussant à faire le mal. Pour se faire Malraux propose de remédier à la dérive humaine en restant dans le même registre, en proposant à la symbolique maléfique un pendant angélique voire divin.

On comprend alors que la déresponsabilisation de l’homme est peut-être la cause de tant de malheur et à pousser à définir la Religion comme un antidote du mal et éclipse, de ce fait, toute sa partie éducative, bienveillante, pacifique. Pour étouffer le mal, l’homme a privilégié la Religion dure et guerrière et fait taire la Religion spirituelle et apaisante. Les derniers événements survenus en France, aux Etats Unis rendent comptent de cela.

Je n’ai pas pu y réagir, par manque d’inspiration mais aussi parce qu’ils sont désormais tristement légion. On réagit une fois, deux fois, trois fois et on devient vite répétitif. Le plus effrayant c’est qu’on arrive presque à s’habituer… Cela devient des faits divers quasi quotidiens. Par contre, l’Histoire (avec un grand H) se répétant, l’idée probable m’est venue que nous soyons revenus au temps des Guerres de Religion et des Croisades.

Au-delà de la conquête territoriale, s’affirme désormais une conquête culturelle. Le massacre d’Orlando rend compte de ce besoin viscérale de l’uniformité dans les modes de vie et de penser. Si l’on en revient au démon évoqué par Malraux, on comprend alors que la peur d’être absorbé par ce mode de vie qui le dépasse (identifié comme démoniaque), a poussé le jeune homme à user de la violence afin de s’en prémunir. Je pense que la peur de la disparition identitaire est le prisme déformant qui l’a poussé à agir démesurément et au-delà de toute humanité. L’enjeu de nos jours n’est plus la survie matérielle mais surtout la survie culturelle et psychologique [ii] voilà pourquoi  les attentats sont toujours revendiqués.

Revenons à la citation de Malraux, pour essayer d’y trouver une petite note d’espoir qui  nous sortirait des dédales de ce Moyenâgeux 21ème  siècle, illustrant la face sombre des Religions. Bien qu’il fut agonistique et qu’il croyait les religions aussi mortelles que les civilisations, il n’en demeure pas moins convaincu qu’elles ont une fonction positive fondamentale, celle de créer des dieux donc « des torches une à une allumée par l’homme pour éclairer la voie qui l’arrache à la bête ».

Ainsi donc, les Religions sont garantes d’une certaine civilité même si le fondamentalisme vient en ternir tout le mérite. L’idéaliste Malraux attend l’avènement d’une nouvelle spiritualité aux couleurs de l’homme, spiritualité qui est peut-être en germe, mais qui est encore bien étouffée en ce début de siècle par la fureur du choc des identités religieuses traditionnelles.

S.T.

[i] Cité par Frederic Lenoir, « Malraux et le Religieux », in  Le Monde des religions, septembre-octobre 2005

[ii] Pour approfondir ce concept de survie, lire François de Smet, Une nation nommée Narcisse.

 

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