Abdelhalim Badran, un écrivain rebelle au SILA
DIA-05 novembre 2018: La lecture est un acte social. La lecture est une action essentielle dans la réussite d’un livre, d’un ouvrage ou d’un roman. En effet, c’est le lecteur qui en fait un succès. L’équation est si simple, plus le lecteur apprécie et achète un livre, plus le succès de ce dernier est accélératif. Le lecteur décide si un auteur possède la plume fine ou non.
Cependant les maisons d’édition, en Algérie ou ailleurs, ne prennent pas ce raisonnement en considération. Commerce oblige, elles ne prennent pas le risque d’éditer un auteur méconnu, encore moins un jeune étudiant. C’est le cas d’Abdelhalim Badran avec son recueil de poèmes « Al-Moutamarid », Le Rebelle.
Ils et elles se bousculaient …ils avaient entre 16 et 25 ans, venus de tous les coins de l’Algérie pour le voir. Non pas Kamel Daoud, ni Yasmina Khadra venus dédicacer leurs œuvres ce premier novembre au SILA 2018. La bousculade n’est ni aux éditions de luxe, Flammarion ou Al Chihab, ni celles d’Elbarzakh… Ils sont venus pour Abdelhalim Badran alias le rebelle, « Al Moutamarid ». Ils étaient des centaines de jeunes lecteurs, alias les rebelles (Al-Moutamaridine).
Ils sont venus pour une dédicace sur le livre de leur auteur de 20 ans originaire d’El-Aghouat, pour le rencontrer surtout, il leur a donné un rendez vous sur les lieux. Stupéfiante bousculade, celle qu’on voit pour un Ronaldo ou un Messi, Les lecteurs récitant le roman « Al Moutamarid » par cœur, un roman en pénurie pour sa quatrième édition à dix heures trente déjà !! Les lecteurs en furie venus avec leurs parents (des mineurs) pour voir « Ach » ! Des cris, des larmes de filles, et des policiers pour évacuer l’écrivain et la foule !!
Un écrivain, encore étudiant en licence anglais, édité chez Dar Almothaqaf, placée dans un rayon étroit au premier étage au hall de la Concorde, a dû sortir du rayon pour faire des selfies et dédicacer ses fans en hystérie, sur le dos de son ami ! Des policiers se sont intervenu pour le faire sortir, ne sachant même pas qui s’était !! La police qui a même voulu saisir les téléphones !! Interdit de filmer!
L’éditrice, de Batna, ne savait où mettre la tête, dans toute sa carrière elle n’a jamais vendu un livre à ce prix (1000DA) et en cette quantité, elle a dû faire une cinquième et une sixième édition pour la fin du SILA 2018. Emu, le jeune écrivain tremblait de joie et de peur de cette foule inattendue, et tant jalousée par d’autres jeunes auteurs édités par la même édition et présents sur les lieux.
Ni journalistes, ni responsables pour l’accueillir, même pas une organisation prévue ce 1 novembre 2018, il a brisé l’ambiance du salon chinois invité d’honneur, les dédicaces des autres auteurs célèbres, on a oublié les festivités du 1 novembre, en un mot, phénoménal! Pour certain, il serait un nouveau Rifka, pourtant, pour ses fans Rifka n’a aucun lien de comparaison avec à ce beau gosse littéraire avec une tête sympathique d’un Harry Potter.
Le recueil publié en Septembre 2017, après deux années d’écriture, contient 55 textes poétiques repartis en 4 chapitres et en langue arabe standard avec un langage de jeunes qu’eux seuls maîtrisent. Quelques mots et expressions en dialectal algérien s’immiscent entre les lignes.
Abdelhalim Badran , aussi guitariste et rappeur, ciblant un public jeune et surtout accro au net, fait des sortes de slams en lisant des passages de son texte et les lance sur You Tube. Une lecture accompagnée de musique, avec une belle intonation et surtout une belle prononciation. Des fans et des « followers » par milliers sur You Tube, Instagram et Face book partout dans le monde arabe.
« الخريف أنه أعتقد ،تتحطم الخشبة و زلزال إنه نرقص لا نحن »
C’est l’incipit du Rebelle « Al Moutamarid », il révèle et prédit que personne ne croit en ce rebelle. On a cru qu’il dansait avec des mots en harmonie avec son adolescence. Abdelhalim Badran a bien fait son tremblement de terre, il a brisé une certaine langue de bois. Plus de 60 ans après la révolution algérienne, il vit (avec ses jeunes lecteurs) un automne de doutes et de mépris envers une jeunesse perdue.
Une poésie propre et libre, bien rimée qui évoque l’amour, la traîtrise, la vie, la mort, la personnalité, la vie des jeunes, leurs vies désespérées, leurs avenirs inconnus, les villes et les rêves de tous les jeunes d’aujourd’hui : le voyage. En lisant le poème comme en l’écoutant, on pense que le narrateur divague, chavire avec les mots et sa cigarette qui a une part de rimes aussi (une cigarette est mieux que de te voir, en page 67).
En quelques jours avant la fin du SILA 2018, on a déjà révélé ce succès polémique, classé parmi les meilleures ventes du SILA, on attend que son roman soit le premier en vente. Les questions qui s’imposent ici, Abdelhalim Badran a-t-il créé le Rebelle ? Ou le contraire ? Les jeunes lecteurs ont il créé Badran et son Rebelle ? Ou est ce le contraire ?
Le jeune artiste a donné un autre rendez vous pour ses lecteurs le week-end prochain pour la clôture du SILA accompagné d’une sixième édition. Son recueil de poèmes aurait-il la meilleure vente au SILA ? Peu importe. L’essentiel est qu’un jeune artiste, écrivain et compositeur vit quelque part en Algérie dans l’anonymat et surement plusieurs d’autres comme lui. Lui est ses lecteurs se sont créé une famille nommée « la famille des rebelles », ils ont besoin d’une certaine protection…Succés à suivre ou à enterrer…
Wided Zanat.
Doctorante en littérature comparée et générale.
Université de Constantine.