Après avoir expulser un imam tunisien, le ministre de l’intérieur français veut réorganiser l’islam de France
DIA-27 février 2024: Pour la troisième fois en deux ans, le ministre français de l’Intérieur en charge des cultes, Gérald Darmanin, a promis l’avènement d’un statut pour les imams de France. «J’annonce qu’il y aura désormais un statut de l’imam en France», a-t-il assuré devant un parterre de responsables musulmans. Si cette mesure phare aboutissait, elle s’appliquerait d’ici septembre prochain a estimé le ministre en conclusion de la troisième réunion du Forum de l’Islam de France (FORIF) tenue le 26 février, au ministère de l’intérieur.
La création d’un statut de l’islam fut toutefois annoncée, le 5 février 2022, par le même ministre, lors du lancement du FORIF, nouvelle structure pensée par le gouvernement pour la gestion de l’islam en France. Elle fut confirmée par le président de la République, au Palais de l’Élysée, le 15 février 2023, à l’issue d’une seconde séance de travail du FORIF, pilotée par le ministère de l’Intérieur. Il s’agit factuellement de la troisième annonce.
Le ministre, à l’origine de la création du FORIF a toutefois défendu lundi soir son efficacité : «J’ai confiance dans cette instance, parce que le FORIF est fait par et pour les musulmans de France, d’abord pour produire des résultats, concrets et utiles». Pour l’heure, une seule question concrète a été vraiment résolue par cette instance – avec un fort appui du ministère qui a rassuré le monde bancaire -, celle de la fluidité des relations avec les banques qui ont souvent bloqué, depuis la loi sur «le respect des principes de la République» de 2021, des comptes courants des mosquées.
Comme pour le statut des imams, les quatre autres annonces présentées comme des nouveautés à venir, ont déjà été formulées à trois reprises et déjà largement travaillées, sans succès par l’administration française et les fédérations musulmanes, depuis plus de vingt ans.
Ainsi de la question des carrés musulmans dans les cimetières, ces espaces strictement réservés aux musulmans où les tombes sont tournées vers la Mecque mais que les maires refusent souvent. Le ministre a promis que «d’ici le 1er juillet, nous ferons en sorte que l’accès à une sépulture ne soit plus un sujet pour nos compatriotes, quelle que soit leur religion et en respectant leurs demandes».
Dernier sujet d’annonces, celui de la sécurité des lieux de cultes, qui a fait l’objet d’un groupe de travail du FORIF mais dont l’effectivité est en réalité assurée par le ministère de l’Intérieur qui a annoncé le doublement du budget en 2024 de financement de caméras, à hauteur désormais de 1 million d’euros pour 2600 lieux de cultes recensés. Dans ce registre, le ministre a confirmé que l’État «ne tolérera pas» l’augmentation «des actes antimusulmans» – «près de 30%» en 2023 avec «242 faits recensés» – en annonçant «la création avec le soutien de l’État de l’Association de défense contre les discriminations et actes antimusulmans (ADDAM) ».
À ceux qui douteraient de l’efficacité du FORIF, Gérald Darmanin a défendu sa gestion du dossier musulman : «Le Forif n’est pas une organisation mais une méthode, un rendez-vous régulier dans les départements et à l’échelon national, entre les forces vives de l’Islam». Ces forces vivraient ainsi un «dialogue renouvelé avec l’État» qui passerait notamment par des «Assises territoriales» régionales afin de ne pas «refaire ce qui a clairement échoué, et qui n’était plus en mesure de répondre à des besoins des musulmans», selon le ministre.
Il désigne là, sans le nommer dans son discours, le Conseil français du culte musulman (CFCM) créé par le même ministère de l’Intérieur en 2003 mais jugé désormais trop influencé – et donc paralysé – par l’influence des pays d’origine, principalement l’Algérie, le Maroc et la Turquie.
Ce que le locataire de la place Beauvau ne dit pas est que les membres du CFCM étaient en partie élus par les mosquées, en partie nommés par les grandes fédérations, alors que les membres du FORIF ont tous été soigneusement choisis par les préfets et confirmés par le ministère de l’Intérieur. Ce qui pose à beaucoup un problème de représentativité pour la communauté musulmane, même si, dernière annonce du ministre, il souhaite que sa création, le FORIF, devienne un jour, non plus le Forum de l’islam de France mais «la Fédération des associations musulmanes de France» comme «il y a une fédération des protestants».
À ce jour, s’est-il réjoui, une «quarantaine de départements» auraient été créés, de «nouvelles associations départementales rassemblant les musulmans par-delà les tendances et les chapelles». Car «il est important que la structuration de l’Islam vienne des départements», commente Gérald Darmanin et que «l’on ne peut pas imaginer l’avenir en chambre, déconnecté des attentes concrètes, du fameux ‘terrain’». Concluant : «Ce n’est pas à l’État de présider à cette structuration, mais bien à vous».
La complexité de l’islam de France promet donc de s’accroître puisque d’autres instances départementales et régionales de cette religion existent depuis longtemps en France. Elles sont notamment encadrées par les grandes fédérations, marocaines, algériennes, turques, ou de l’ancien UOIF, proche des frères musulmans, ou structurées par le Conseil français du culte musulman, CFCM. Seulement, ces structures anciennes échappaient au contrôle des préfectures.