Atika Boutaleb : « Mon père avait proposé le nom de Mustapha Akkad pour réaliser le film sur l’Emir »
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DIA-06 novembre 2018: La polémique d’El Djazairia One a relancé la question sur la représentation de la famille de l’Emir Abdelkader dans les médias. Pour mieux connaitre la première famille « régnante » de l’Etat moderne algérien, nous avons interviewé Atika Boutaleb l’une des filles de Mohamed Boutaleb le président de la fondation Emir Abdelkader. C’est elle qui a dénoncé, la première, l’imposture de l’invitée de l’émission El Djazairia Show qui s’est présentée comme descendante de l’Emir.
Comment expliquez-vous qu’une personne se présente sur un plateau de télévision pour parler au nom de la famille de l’émir Abdelkader en sa qualité de « descendante » ?
On nous a en effet présenté cette jeune dame comme une descendante de l’Emir Abdelkader comme si cette qualité la qualifiait pour d’autres destins et pour une fonction symbolique. Le côté sensationnel jette un trouble car il présente la chose comme la découverte d’une pépite qui manquait au décor alors que tout est connu de la descendance de l’Emir.
Le legs politique et culturel de l’Emir fait que nous ne pouvons dissocier le lignage d’un engament à poursuivre son œuvre, c’est-à-dire un combat, pour la renaissance d’un Etat algérien totalement souverain et indépendant. L’Emir qui a porté cet idéal et cette espérance est, de ce fait, l’objet d’attaques et de dénigrements sur la conduite de sa personne, tous inspirés et nourris des constructions idéologiques françaises et particulièrement du franc-maçon et pseudo historien Bruno Etienne : la pseudo reddition, la Franc-maçonnerie, les rapports avec Lesseps etc.
Il aurait été plus encourageant de recevoir un nouveau membre de la famille, si elle avait pris la défense de l’Emir, face à la question surprenante de l’animatrice sur la « trahison de l’Emir », au lieu de s’en tenir à une neutralité étrangère à la tradition de lutte de l’Emir et de son caractère.
Je m’interroge sur cette neutralité et encore plus sur le discours de cette honorable dame qui fait craindre une totale ignorance de l’histoire de l’Emir.
Sera-t-elle après cette spectaculaire intronisation la porte parole de la famille et nous mènera vers l’indifférence de cette véritable campagne de destruction de l’Emir menée par des algériens nourris aux biberons culturels français ? Que pourrait devenir alors, la Fondation de l’Emir Abdelkader à qui on refuse obstinément l’agrément qui lui permettrait de continuer avec plus de facilités son travail de défense de l’Emir, de défense de la culture de patriotisme, de défense de l’idéal de souveraineté et d’indépendance totales de notre pays, de défense de l’Algérie ?
La famille de l’émir Abdelkader est peu présente dans les médias, certains ne savent même pas que son nom c’est Boutaleb.
Tout d’abord je tiens à préciser que Sidi Ali Boutaleb et Sidi Mahieddine étaient frères. Sidi Ali Boutaleb est donc l’oncle de l’émir, mais également son beau père. Notre nom de famille est à l’origine « El Hassani ». Ensuite viendra le patronyme « El Djazairy » qu’on a donné à tous ceux qui ont suivi l’émir Abdelkader dans son exil en Syrie. Un nom donné par les syriens qui indique l’origine de l’émir et sa smala.
Pour ce qui est de la présence médiatique de la famille, je pense qu’elle est dûe à cette vaste campagne menée contre l’émir. Depuis les années 1990 jusqu’en 2013, les débats télévisés sur l’émir incluaient les représentants de la fondation Émir Abdelkader, dont les membres de son conseil scientifique qui était composé d’éminents historiens, ainsi que des membres de la famille membres de la fondation, dont son président Mohamed Boutaleb. Depuis Novembre 2013 l’agrément de la fondation est suspendu. La fondation existe toujours mais est tenue de restreindre ses activités. Les motifs invoqués pour cette suspension sont absolument insensés. Ceci n’empêche pas les membres de la famille d’intervenir à titre individuel, et de façon régulière dans les débats qui concernent l’histoire de l’Algérie.
La fondation a également conservé son stand au SILA, et continue à présenter les publications et travaux qui ont été faits autour de la personnalité de l’Emir.
Vous venez de relancer le débat sur le projet de film sur l’Emir Abdelkader, comment expliquer qu’un projet d’une telle envergure n’a pas été concrétisé après plusieurs tentatives ?
En effet, je viens de relancer ce débat car il est pour moi d’une importance capitale. Tout d’abord, en tant qu’algérienne je tiens comme tous les algériens à ce que ce film voit le jour car il immortaliserait notre mémoire collective à laquelle le lobby néocolonial tente de porter un coup.
Sur un plan plus personnel, j’ai vu mon père se battre et se démener pendant près de 20 ans pour que ce film soit produit. Il a réussi à obtenir la parole de Abdelaziz Bouteflika candidat en 1999, de mettre tous les moyens nécessaires à la réalisation de ce projet. Une fois président, la promesse a été tenue et un budget spécial a été accordé au ministère de la culture pour mener à terme cette mission.
Est t-il vrai que le réalisateur syrien du film Errissala Mustapha El Akkad a été approché pour réaliser le film sur l’Emir et qu’il a refusé ?
Mon père a personnellement proposé le nom de Mustapha Akkad car il avait magistralement réussi son film sur Omar El Mokhtar, mais Mme Toumi, ministre à l’époque n’a visiblement pas jugé important d’engager les démarches nécessaires; Elle finit par annoncer en 2013 qu’elle allait confier le film au réalisateur américain Charles Burnett, puis on n’en n’a plus jamais entendu parler, jusqu’à ce qu’après moult tentatives d’éviter le sujet, le projet fut renvoyé aux calendes grecques officiellement par son successeur, Mr Mihoubi sous prétexte que le ministère n’avait pas les moyens de produire un film d’une telle envergure.
Interview réalisé par Salim Aggar