Décès controversé d’un Sénégalais: tension à Madrid après des heurts violents
DIA-16 mars 2018: Le centre de Madrid était sous tension vendredi soir, au lendemain de la mort dans des circonstances controversées d’un vendeur à la sauvette sénégalais qui a entraîné des heurts avec la police et des protestations du Sénégal.
« Nous voulons lancer un appel au calme », a déclaré la première adjointe à la maire de Madrid, Marta Higueras, après de nouveaux incidents en fin de matinée.
Elle a annoncé que la maire Manuela Carmena avait écourté un séjour à Paris pour rentrer à Madrid.
Vers 18h00 (17h00 GMT) vendredi, plus d’un millier de personnes s’étaient regroupées sur une des places du quartier central de Lavapiés, pour la plupart des jeunes vêtus de noir et équipés de bandanas. Certains criaient « police assassine », a constaté une journaliste de l’AFP.
Une manifestation a aussi eu lieu à Barcelone (nord-est).
Les participants répondaient à un appel à manifester lancé par le « Syndicat des manteros », terme utilisé en Espagne pour désigner les vendeurs à la sauvette, qui souhaite « dénoncer le racisme institutionnel » ayant conduit selon eux à « l’assassinat » de Mame Mbaye Ndiaye, un Sénégalais de 35 ans.
– Protestations –
Jeudi en fin d’après-midi, Mbaye Ndiaye avait fui une intervention de la police sur la très touristique place de la Puerta del Sol et avait gagné, vraisemblablement avec son lourd ballot, le quartier de Lavapiés où vivent en bonne intelligence Espagnols et immigrés de toutes nationalités.
Selon les services d’urgence, il s’y est effondré pris de convulsions, victime d’une crise cardiaque.
Dans la soirée, des dizaines de protestataires avaient lancé des pierres, gros pavés et bouteilles sur un camion de pompiers. De nombreux policiers s’étaient déployés et avaient riposté en tirant des balles en caoutchouc.
Des éléments de mobilier urbain, des entrées de succursales bancaires et des deux-roues avaient été incendiés. La police a compté dix blessés dans ses rangs et réalisé six arrestations.
Aucun autre blessé n’a été rapporté, mais en fin de matinée vendredi, quelques dizaines d’immigrés ont encore débordé la police déployée dans les ruelles étroites et en pente de Lavapiés et lancé des projectiles sur les forces de l’ordre.
« Nous comprenons les expressions de douleur spontanées (…) mais nous voulons manifester notre rejet de tout type de vandalisme qui n’ont rien à voir avec le modèle de cohabitation et d’intégration de Lavapiés », a déclaré à la mi-journée la première adjointe Marta Higueras.
Dans le local du Mouvement contre l’intolérance à Lavapiés, l’Espagnol Esteban Ibarra a assuré à l’AFP que « beaucoup de jeunes encapuchonnés, qui n’étaient pas noirs, avaient mené la bataille rangée » avec les policiers et « des Sénégalais s’étaient joints ».
Le gouvernement espagnol a présenté ses condoléances « à la famille et aux amis » de Mbaye Ndiaye, tout en dénonçant aussi la violence.
Le Sénégal a protesté auprès de l’Espagne et exigé une « enquête indépendante ». « J’ai convoqué immédiatement l’ambassadeur d’Espagne (à Dakar) pour lui transmettre une note verbale de protestation », a déclaré le ministre sénégalais des Affaires étrangères, Sidiki Kaba, sur la radio privée RFM.
– ‘Lutte pour la survie’ –
Selon l’élu en charge de la police municipale de Madrid, José Javier Barbero Gutiérrez, Mbaye Ndiaye a succombé à un arrêt cardiaque environ 15 ou 20 minutes après s’être « apparemment trouvé Puerta del Sol où s’était produite une intervention policière concernant la vente ambulante ».
« Nous n’avons pas connaissance d’une intervention policière le visant personnellement », a ajouté l’élu, alors que de nombreux Sénégalais assuraient qu’il avait été contraint de courir parce qu’il était pourchassé.
La mairie a annoncé une enquête approfondie et sollicité les enregistrements des caméras sur son parcours.
M. Barbero a appelé à réfléchir sur « la façon dont se vivent les situations quotidiennes de lutte pour la survie pure et dure, quand on fuit en permanence la présence policière, avec la peur constante d’être arrêté ».
Les associations de défense des droits de l’homme critiquent régulièrement les conditions d’accueil des migrants en Espagne, avec des centre de rétention saturés voire insalubres.
L’Espagne, 46,5 millions d’habitants, compte environ 10% d’étrangers, dont seulement 64.000 Sénégalais.
Selon l’Organisation internationale des migrations (OIM), les arrivées de migrants ont doublé en 2017 par rapport à 2016, avec 28.663 personnes.