Exclusif: L'histoire d'un déserteur français de la guerre d'Algérie exilé au Brésil - DIA
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Exclusif: L’histoire d’un déserteur français de la guerre d’Algérie exilé au Brésil

DIA- 11 décembre 2016: Tout le monde le sait, le dossier des officiers français qui ont déserté l’Armée Française pendant la guerre de libération nationale, n’a jamais été clos, il garde encore ses secrets. Le tout dernier va être bientôt, divulgué, en portugais cette fois, dans le nouvel ouvrage de l’écrivain et auteur brésilien Pedro Nunes Filho. Environ 886 soldats d’origine française (1), ont choisi la désertion, dont beaucoup ont rejoint le camp adverse, en faisant la dure épreuve de reconnaître qu’ils sont en Algérie, non pas pour ce prétendu acte civilisationnel  mais, pour perpétrer la barbarie. Ce livre offrira, sans doute, aux chercheurs et historiens des deux rives de la méditerranée, de la matière historique pour relancer, encore et encore, de nouvelles recherches mieux approfondies sur ce sujet, qui lèveront un nouveau pan sur notre histoire inéluctablement commune, le sujet étant toujours d’actualité. Pedro Nunes Filho a accordé, à DIA, cet entretien exclusif, pour nous parler de son nouveau livre dont il veut toujours garder quelques secrets, et bien d’autres choses.

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Pedro Nunes Filho, écrivain et auteur brésilien

DIA: qui est l’auteur Pedro Nunes Filho, parlez nous de vos précédentes  publications?

Pedro Nunes F: Je suis né dans la région rurale du  nord-est du Brésil, une région semi-aride. Bien que notre climat ait beaucoup de similitudes avec celui de l’Algérie, culturellement, nous sommes un peu différents. C’est exactement cette différence que j’aime. J’ai écrit sept livres. Aucun n’est écrit dans une langue académique. J’essaye toujours d’écrire dans un style  simple pour attirer mes lecteurs  vers le plaisir de lire. Mes thèmes favoris, que  j’aborde dans mes écrits sont les coutumes régionales et la façon de la vie originelle du peuple des compagnes. Celui qui lit la première page de l’un  de mes livres ira jusqu’à la fin.

DIA: Vous appartenez à  l’IAHGP, parlez nous en?

Pedro Nunes F: L’Institut Archéologique, Historique et Géographique de Pernambuco, (IAHGP) a été créé en 1862. C’est l’Institut Historique le plus ancien du Brésil. Tout au long de  ses 154 ans d’une existence ininterrompue, il est devenu une référence nationale et internationale. Ses collections (bibliothèque, archives et le musée) et sa revue, représentent une source inépuisable  pour les chercheurs dans différents domaines de connaissance.

DIA: Comment vous est venue l’idée d’écrire ce livre sur la guerre d’Algérie, que représente –elle pour vous?

Pedro Nunes F: En 1966, j’ai connu un homme français qui vivait dans une petite ville proche de la ferme où  je suis né. Plusieurs années après, quelqu’un m’a dit qu’il était un officier de l’armée française qui a  déserté durant la guerre d’Algérie. A ce moment, il a commencé à transporter clandestinement armes et munitions aux rebelles algériens. Donc, il a été  condamné à mort en France. Il a été arrêté et a dû s’échapper au Brésil. Pour écrire son histoire, j’avais à étudier  la guerre d’Algérie et c’est là où, j’ai été enchanté par le pays et la bravoure de son peuple.

DIA : On ne voudrait pas gâcher le plaisir de la lecture, mais pourriez vous nous lire un passage ou deux qui donneront une idée globale sur le livre et ainsi le lecteur algérien aura une idée, à quel point il est intéressant ?

PEDRO NUNES F: Bon… mon livre traite initialement du parcours d’un officier français déserteur, qui s’appelle Gilles Bertrand Christophe de Gramond, qui a déserté  l’Armée Française durant la guerre d’Algérie, où il passait son service militaire. Durant la guerre, et constatant de visu, les tortures qui étaient pratiquées par les militaires français, il a décidé de déserter et commencé à transporter illégalement  des armes, munitions et argent aux  rebelles  algériens. Dans l’un de ses allers et retours, il fut arrêté à Lausanne en Suisse. Il a demandé l’asile à cette dernière, mais sa demande à été refusée. Sur le point d’être rapatrié en France où la peine capitale pour trahison à la patrie l’attendait, chose déjà arrivée à des militaires français déserteurs, désespéré, Gilles a tenté de se suicider en se coupant les poignets. Hospitalisé dans un hôpital en Suisse, il a raconté son histoire a une femme médecin, qui l’a aidé à s’échapper en le conduisant jusqu’aux frontières italiennes. De là, il a gagné le Portugal duquel il a  pris un avion cargo pour le Brésil, où il est entré par le port de  Santos avec un faux passeport, un 18 juillet 1960. Après quelque temps, il fut arrêté et à plusieurs reprises, pour port de faux documents et menacé d’être déporté vers son pays. Une fois il a été arrêté par INTERPOL, quand  il était dans une classe, dans la ville de Campina Grange, Brésil. Etant gradué en Loi et Philosophie de la Sorbonne, il était un très bon professeur parce qu’il était hautement qualifié. Je l’ai connu en 1965, quand il a trouvé refuge dans la petite ville de Serra Branca, dans l’Etat de Paraiba. Cette ville où il s’est caché des autorités, est proche de la ferme où je suis né et grandi. Il s’est marié avec une femme plus jeune que lui de 19 ans, dont il s’est séparé en 1968. C’est cette dame, qui ma donné toutes ses mémoires et m’a fourni aussi beaucoup d’informations. Amnistié par la loi 68.697, de 1968, il est retourné en France où il est mort. En parallèle de ces faits, le livre parle de la guerre d’Algérie. Sans cette vision,  Le lecteur aurait des difficultés pour comprendre le pourquoi  de la défection de L’officier.

DIA: Peut on classer votre manuscrit comme une recherche historique ou non ?quel impact aurait-il probablement, une fois publié?

Pedro Nunes D: Tout fait qui se réfère à un parcours humain, est un fait historique et pour écrire sur ce sujet, une recherche spécifique lui est nécessaire. Dans mon cas, j’ai eu recours à la recherche de documents et aux témoignages  oraux. Les deux sont très valables. Donc, je devais faire des recherches autour de  la vie de cet officier français, qui est entré illégalement au Brésil. J’avais à faire beaucoup de recherches sur la guerre d’Algérie. Comme mon livre est écrit en portugais, je crois qu’il n’aura pas de répercussions dans d’autres pays, bien que l’histoire soit assez excitante. Les lecteurs brésiliens vont sûrement beaucoup aimer l’histoire et connaîtront  mieux l’Algérie, une réalité qui demeure très peu connue au Brésil.

DIA: Il est écrit en portugais, une traduction lui est elle envisageable?

Pedro Nunes F: Le livre est écrit en portugais, je pense  qu’il mériterait une traduction en français ou en anglais pour augmenter le nombre de lecteurs  et mieux  divulguer cet important fait historique. Il est important de souligner que la guerre de libération algérienne a déclenché le processus de décolonisation en Afrique et dans d’autres parties du monde. Quel auteur n’aimerait pas voir son livre traduit dans une autre langue ?

DIA: Pouvez- vous nous dire quelle place occupe la guerre d’Algérie dans la littérature brésilienne et sud-américaine, citez nous des noms d’importants auteurs dans ce domaine et quel est leur regard en général  vis à vis de la guerre d’Algérie?

Pedro Nunes F: Il y a une regrettable omission de la guerre d’Algérie dans la littérature brésilienne. A l’exception de Leneide Duarte, Ivan Godoy et Mustapha Yasbek, personne d’autre n’a été intéressé par l’écriture sur cette question. Le résultat de cela, est que très peu de gens connaissent  les raisons qui ont déclenché la guerre, encore moins que l’Algérie s’en est sortie victorieuse et qu’elle a gagné son indépendance, améliorant la qualité de vie du peuple algérien. Il est important de rappeler qu’après l’indépendance, l’Algérie a beaucoup aidé l’Amérique latine dans sa lutte contre l’impérialisme américain. Beaucoup de contacts ont eu lieu dans ce sens, et dans celui du coté opposé, c’est dans ce dernier cadre,  que  le Général  Aussaresses de l’Armée Française, après avoir pratiqué ses terribles méthodes de torture en Algérie, est devenu Attaché militaire au Brésil et a enseigné à l’Armée brésilienne les méthodes d’arrachement des aveux par la torture, qui conduisent souvent  à la mort.

DIA: Avez vous choisi un titre pour votre livre?

PEDRO NUNES F : Choisir un titre pour son livre, est parmi les choses les plus difficiles pour un auteur. Le titre doit être en lien avec le contenu et en même temps, un élément qui attire l’attention  des lecteurs. Au fait, je ne lui ai pas encore choisi de titre.

DIA : Dans quelle région de l’Algérie cet officier militaire a été affecté ?

PEDRO NUNES F: Je n’ai pas trouvé ni dans les notes de l’armée française ni dans ses déclarations durant les interrogatoires de la police auxquels il a été soumis au Brésil, aucune référence à la région dans laquelle il était affecté.

DIA: Pouvez vous nous citer des noms de Moudjahidines connus dont l’officier a parlé?

PEDRO NUNES F: Dans les documents que j’ai lu, je n’ai trouvé aucune référence à des combattants. Je reconnais que je n’ai pas pu accéder à d’autres  sources que les journaux brésiliens de l’époque et les PV des interrogatoires de la police.

DIA: Si vous devez écrire un livre sur la conjoncture actuelle, qui serait votre héros principal en Amérique du sud et dans le monde?

PEDRO NUNES F: J’ai beaucoup de réticences par rapport aux  héros qui se présentent comme des sauveurs de la mère-patrie. Ils finissent par devenir des dictateurs assoiffés de sang, qui chassent et torturent les opposants pour se maintenir au pouvoir. Nous avons en Amérique du sud, beaucoup d’exemples de présidents populistes. Aucun d’eux, ne mérite mon admiration, parce qu’aucun n’a contribué à réduire la pauvreté et la souffrance de leurs peuples respectifs. Au contraire, ils ont contribué à augmenter la misère.

DIA: Connaissez vous des auteurs algériens?

PEDRO NUNES F: Sur Internet, j’ai lu beaucoup de textes écrits par Albert Camus, Ferhat Abbas et autres écrivains. Malheureusement, la majorité des livres sur la guerre sont publiés en français et nous n’y avons pas accès au Brésil.

DIA: Et quelle est votre relation avec la poésie ?

PEDRO NUNES F: J’aime lire les grands poètes. Dans ma jeunesse, j’ai traduit du Latin au Portugais beaucoup de splendides textes d’Eneide de Virgile.  J’écris dans un langage poétique mais je ne suis pas poète.

DIA: Qui sont les auteurs qui vous ont inspiré?

PEDRO NUNES F: J’ai été très impressionné par les idées d’Albert Memmi et son intellectuelle lutte contre le processus de colonisation dans les pays africains.

DIA: Caatinga Branca, CavaloAlazão, Mundo-Sertão, CaririsVelhos, GuerreiroTogado, Os Curvos de o meu Caminho and Testemunho  de um Tempo, sont les titres de vos livres, lequel estimez vous  le meilleur?

PEDRO NUNES F: Je n’écris pas en pensant si cela plairait aux lecteurs ou non. J’essaye de me faire plaisir, s’ils me plaisent,  je suppose qu’ils vont certainement plaire à mes lecteurs. De toute manière,  les plus lus parmi mes livres sont Guerreiro Togado et Cariris Velhos. Le premier parle des guerres dans le contexte du pouvoir politique parmi les riches fermiers du nord-est agraire du Brésil, à la fin du 19ème et le début du 20ème siècle.

DIA: Quelle est la place de la photo dans vos livres, votre tout nouveau livre sur la guerre d’Algérie, sera t-il enrichi par des photos inédites comme vous l’avez déjà fait?

PEDRO NUNES F: Je suis entrain de collecter quelques photos en référence aux faits racontés dans le livre. En plus de mes photos, il sera enrichi par des photos fournies par  l’Ambassade d’Algérie à Brasilia.

DIA: Vos livres reflètent-ils votre opinion politique?

PEDRO NUNES F: Je n’apprécie ni l’aile droite ni la gauche. Je pense que le Manichéisme dans tous ses aspects manque d’une profondeur   philosophique et révèle une intellectualité superficielle. Comme on est tous des politiques, dans le fond, mes livres reflètent ce que je pense des politiques.

DIA:Y a t-il toujours ce duel entre le bien et le mal?

PEDRO NUNES F: Cette confrontation entre le bien et le mal est une  manière simpliste de penser, dans laquelle le monde est vu comme divisé en deux: celle du bon et du mauvais. La simplification est une forme primaire de réfléchir qui réduit le phénomène humain à une relation de cause à effet, juste ou faux, ceci ou cela, est ou n’est pas. La simplification est comprise comme une manière déficiente de réfléchir et une incapacité  à comprendre ce qui est complexe.

DIA: Etes vous arrivés au terme de vos recherches, où est –ce que vous avez trouvé les documents ?

Pedro Nunes F: Je n’ai pas encore terminé. Plus je lis, plus je vois les différents aspects de la guerre. Comme je vous l’ai déjà dit avant, j’ai écouté plusieurs récits oraux, j’ai lu les manuscrits du Capitaine Gilles qui est le personnage principal de mon livre, j’ai travaillé dur dans les notes, cherché dans les archives, les commissariats, et les journaux de cette époque. Aussi, Internet m’a beaucoup aidé pour trouver d’importants détails de la guerre. Tout comme  les livres que je lis, et beaucoup d’autres que je dois lire dorénavant, spécialement autour  des militaires déserteurs, le focus principal de mes écrits. Bien que tout dans mon livre soit basé sur des documents ou déclarations, ce n’est pas un travail académique, mais c’est un intéressant récit, écrit dans une langue facile à lire.

DIA: Avez vous déjà contacté une maison d’édition pour la publication de votre livre?

Pedro Nunes F: Non, je n’ai contacté aucun éditeur pour le moment. S’il n’y a pas d’intérêt de la part des éditeurs, je vais financer moi-même le livre, parce que je suis sûr qu’il va réussir  et sera très vendu 

(1)

Les désobéissances de soldats français pendant la guerre d’Algérie (1954-1962).

Tramor Quemeneur, Thèse de Doctorat octobre 2007

A la fourchette de 3 000 à 4 000 réfractaires français pendant la guerre d’Algérie, évoquée tant par les opposants de la guerre que par les partisans de l’Algérie française, s’était rapidement substitué le nombre de quelques centaines de désobéissants. Pourtant, les archives militaires montrent que l’on peut comptabiliser environ 12 000 réfractaires, qui se répartissent entre 10 831 insoumis (les appelés qui ne se présentent pas lors de leur appel sous les drapeaux), 886 déserteurs (les soldats qui quittent illégalement leur unité) et 420 objecteurs de conscience (les soldats qui refusent de porter les armes ou l’uniforme). Ce nombre d’environ 12 000 réfractaires, rapporté à 1 200 000 appelés en Algérie, porte la proportion de désobéissance à environ 1 % des soldats, ce qui est comparable à d’autres conflits, notamment à la guerre du Viêt-nam.

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