Historique: en chute libre aux États-Unis, le baril de pétrole est passé sous la barre de zéro dollar
DIA-21 avril 2020: C’est tout simplement du jamais vu dans l’histoire pourtant tumultueuse du marché du pétrole. Le prix du baril de brut texan, le WTI, référence du marché américain, s’est littéralement effondré lundi soir. Sa valeur s’est volatilisée, annihilée même. En début de soirée à Paris, il cotait moins de 1 dollar. Puis il a basculé en territoire inconnu, en-dessous de zéro! Le prix du baril a cependant rebondi ce mardi matin en Asie et revient légèrement au-dessus de zéro. Le baril de WTI pour livraison en mai s’échange en matinée à 1,10 dollar, contre un prix de clôture de -37,63 dollars lundi soir à New York.
Cette incongruité est bel et bien une conséquence de la pandémie de Covid-19 et du «Grand confinement», comme le désigne le Fonds monétaire international (FMI). Une telle chute du WTI sur le marché américain ne signifie pas que le pétrole ne vaut absolument plus rien dans le monde entier. Le baril de Brent, produit en mer du Nord, la principale référence du marché mondial, a certes dévissé, mais d’«à peine» 6% et oscillait autour de 26 dollars.
Un tel écart entre les deux grandes références pétrolières, Brent et WTI, est inédit. D’ordinaire, les deux valeurs oscillent plus ou moins en parallèle, avec, en fonction de particularités du marché américain, des divergences plus ou moins marquées. L’écart observé lundi est en fait, « artificiel », explique Francis Perrin, directeur de recherche à l’Iris. Car l’on compare aujourd’hui le contrat à terme du Brent en juin et celui du WTI en mai. À échéance juin, les valeurs des deux contrats sont beaucoup plus proches: celle du WTI s’élevait lundi à la mi-journée à « près de 22 dollars, soit un écart de quatre dollars seulement avec le Brent », relativise l’expert.
Il se trouve que le contrat sur le baril de WTI pour livraison en mai expirait ce mardi. Les traders qui détenaient ces contrats étaient tenus de trouver des acheteurs des volumes physiques correspondants, au plus vite. Problème, la demande mondiale – et américaine – s’est effondrée à cause du confinement généralisé et les stocks approchent de la saturation. Résultat, les détenteurs de WTI à échéance mai se sont mis à brader leurs prix pour trouver preneurs. Ils préfèrent même payer pour se débarrasser de ces volumes.
L’échéance de ce contrat de brut texan tombe alors qu’un accord a été conclu à l’arraché le 12 avril entre producteurs dans le but de stopper la chute des cours. Celle-ci s’était amorcée fin janvier, dès le début de l’épidémie en Chine qui avait suscité des inquiétudes sur la consommation de carburant de la deuxième puissance mondiale. Fin mars, faute de s’entendre pour restreindre l’offre et peser sur les cours, l’Arabie saoudite et la Russie ont déclenché une guerre des prix. Riyad, qui bénéficie des coûts de production les plus bas du monde, a bradé ses prix, pour maintenir ses parts de marché, et surtout amener les autres grands producteurs à la table des négociations. Ce qui s’est produit. Or, malgré l’accord prévoyant une réduction de l’offre, surabondante, le prix de l’or noir a continué à lourdement chuter. Le baril de Brent avait perdu 16 % depuis ce compromis.
Consommation anéantie
C’est que l’offre de pétrole atteint toujours un niveau très élevé. L’accord de réduction de la production a été conclu par vingt-trois pays, les membres de l’Opep, l’Organisation des pays exportateurs de pétrole, emmenés par l’Arabie saoudite, et leurs alliés, notamment la Russie. Portant sur quelque 10 millions de barils par jour (Mbj), l’accord ne prendra effet que début mai. Ce volume représente environ 10% de la production mondiale, un effort considérable. Sauf qu’en face, la demande est toujours paralysée, bien en dessous de l’offre, et ne devrait se relever que très progressivement. Dans son rapport mensuel publié la semaine dernière, l’Agence internationale de l’énergie (AIE) table sur une demande mondiale en avril inférieure de 29 Mbj par rapport à son niveau un an plus tôt. Là encore, c’est du jamais vu.
AFP