Il l'avait critiqué comme Premier ministre et il est mort en le défendant au tribunal : Le destin des frères Ouyahia - DIA
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Il l’avait critiqué comme Premier ministre et il est mort en le défendant au tribunal : Le destin des frères Ouyahia

DIA- 21 juin 2020: Il était le premier à critiquer sa politique quand il était Premier Ministre et le premier à le défendre à la barre face aux accusations de corruption dans l’affaire Sovac. Les forts liens fraternels et les valeurs de pardon que leur a inculqué leur père étaient trop forts pour abandonner un frère dans une telle épreuve passant de l’homme le plus puissant du pouvoir à l’homme le plus détesté et l’ennemi public numéro 1 du pays.  

La mort de l’avocat Liâfa Ouyahia, frère de l’ex Premier ministre qui assurait dimanche au tribunal de Sidi M’hamed d’Alger la défense de son frère Ahmed Ouyahia, impliqué dans une affaire de corruption, a provoqué un véritable choc dans la sphère médiatique et même sur les réseaux sociaux transformant Ahmed Ouyahia de principal accusé à une victime d’un tribunal hors normes. 

Et pourtant rien ne présageait une fin aussi tragique pour la famille Ouyahia. Un frère au sommet de la sphère du pays durant plus de 20 ans et un autre frère qui est resté attaché à sa situation d’homme respectable et digne.  

Arrivé à Alger dans les années 50, venant de Kabylie, plus précisément  du village de Bouadnane ( Daira de Beni Yenni).; un village qui donne sur la montagne « la main du juif ».  La famille Ouyahia s’est installée dans le quartier de Belcourt. Contrairement à son frère Ahmed qui est né en Kabylie, Liâfa (Prénom d’origine arabe qui signifie: « l’élite, ce qu’il y a de mieux ») est né à Alger. Il  était plus jeune que son frère Ahmed de 10 ans. 

Les deux frères ont fréquenté le même Lycée El Idrissi en face des groupes, qui a vu passer nombreux ministres actuels dans ses classes. 

Au moment où Ahmed Ouyahia excellent élève dans la filière Lettres passe brillamment son concours d’accès à l’école nationale d’Administration. Son jeune frère Liâfa choisira plus tard la faculté de droit de Ben Aknoun. Le père qui était simple fonctionnaire de la RSTA (Régie syndicale des transports algérois) Une entreprise publique qui avait la réputation d’avoir recruté des centaines de travailleurs venant de la Grande Kabylie, avait éduqué ses enfants au sérieux et au sens de la responsabilité.      

Au moment où Ahmed Ouyahia qui a brillamment réussi son cursus à l’ENA dans la section diplomatie, occupe son premier poste à la Présidence de la République du temps de Boumedienne en 1977, Liafa était encore jeune lycéen à Champ de Manœuvres (Actuel 1 mai).

Quand Ahmed Ouyahia accéda au poste de chef du gouvernement le 31 décembre 1995, la famille Ouyahia était fière  et honorée de la réussite de leur fils. Cette fierté a été modestement perçue par le père qui refusa de changer de maison et surtout de quartier, malgré les nombreuses demandes de son fils en raison des menaces terroristes, qui pesaient sur sa famille. Au moment où le jeune Ouyahia s’installait à Moretti, la famille était restée dans leur modeste appartement dans un quartier populaire au Salembier. 

Les relations entre les deux frères se sont distancées quand le père est décédé au début des années 2000. Devenu avocat Liâfa Ouyahia, ne s’est jamais associé aux actions politiques de son grand frère. Il refuse même d’adhérer au RND ou au FLN pour se démarquer de la ligne du pouvoir et surtout éviter son frère.  

En 2012, le frère du Premier ministre Ahmed Ouyahia, s’est même porté candidat aux élections législatives du 10 mai sous l’étiquette du nouvellement agréé Parti National Libre (PNL). Et c’est à l’occasion d’une interview au quotidien arabophone Echourouk, que Liâfa révéla ouvertement son désaccord avec son frère Ahmed. Il déclare à ce propos qu’il aurait pu se présenter sous la bannière du RND (Rassemblement national démocratique) et être désigné tête de liste dans n’importe quelle wilaya, ou même obtenir un poste d’ambassadeur, mais il a déclaré qu’il ne partage rien avec son frère. » avant d’ajouter « Je n’ai jamais adhéré au RND. Nous sommes de la même famille, mais nous avons des idées et des convictions différentes ». 

Cette déclaration politique agressive, lui a valu d’être écarté de la course à l’APN par une administration aux ordres, Liâfa l’a appris à ses dépens et poursuivra ensuite son métier d’avocat le plus normalement, avant de réagir presque huit ans après dans une interview sur El Bilad Tv, accusant son frère d’avoir fait de mauvais choix politiques. 

Quelques semaines plus tard, le puissant Ahmed Ouyahia est mis en prison d’El Harrach pour corruption sur ordre de la Cour Suprême. C’est à ce moment là, dramatique pour la famille Ouyahia que Liâfa s’est une nouvelle fois approché de son frère au nom des liens de sang et de fraternité, pour lui venir en aide en tant qu’avocat. 

Laifa Ouyahia n’était pas connu comme un avocat réputé, mais avait un avantage de taille par rapport aux autres avocats: il avait la confiance et la confidence de l’ex Premier ministre.  Après ce qu’il lui est arrivé, Ahmed Ouyahia n’avait plus confiance dans la justice ni même dans son système de défense. Les deux frères avaient retrouvé cette complicité perdue durant leur jeunesse, ils étaient conscients que l’avenir et la réputation de la famille Ouyahia étaient menacés. Après la fuite de sa femme en Espagne et de son fils à Dubai, Laifa était considéré comme sa seule famille en Algérie. C’est même lui qui lui ramenait parfois à manger. Avec la mort de Laifa, Ahmed Ouyahia est plus que jamais seul face à …son destin. 

S.B  

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