La fin de la « chkara » et du financement occulte durant la présidentielle du 12 décembre
DIA-21 octobre 2019: Contrairement aux élections présidentielles précédentes, l’élection du 12 décembre 2019 sera marquée par l’absence des financiers « occultes » de la campagne électorale de la présidentielle. La « Chkara » et les «donateurs généreux » ne serviront plus les candidats de la présidentielle et cela pour de nombreuses raisons. D’abord parce que la majorité des grandes fortunes du pays et des spécialistes du financement politique sont en prison. Les Haddad, Kouninef, Bairi, Benhamadi, Tahkout et récemment Tliba qui avait largement financé la campagne électorale du candidat Bouteflika durant les différents mandats, en 1999, 2004, 2009 et surtout 2014, sont en détention provisoire à El Harrach. On se souvient que ces milliardaires se sont ouvertement affichés en faveur du candidat Bouteflika. Même cas de figure pour Isaad Rebrab qui avait soutenu financièrement le candidat Benflis en 2014 et de Moumen Khalifa qui avait soutenu financièrement Benflis en 2004. L’opération mains propres contre les hommes d’affaires affiliés au clan Bouteflika, a définitivement enterré les projets du financement occulte et découragé tout financement politique.
Les hommes d’affaires non concernés par la campagne
Durant ces dernières années, les campagnes électorales législatives, locales et présidentielles ont été scandaleusement financées à coup de milliards par les partis et certains candidats pour remplir les salles pour les meetings et surtout acheter des voix des électeurs. Ces méthodes illégales sont désormais révolues et les candidats doivent compter sur le budget accordés par l’Etat pour financer leurs campagnes mais aussi sur les donations de leurs élus dont les candidats sont fortement rassemblés à l’Assemblée. C’est le cas notamment des élus du RND qui apporteront un soutien confortable pour leur candidat Azzedine Mihoubi. C’est également le cas pour Belaid Abdelaziz qui possède de nombreux élus à l’APN et les APW. Même soutien pour le candidat des islamistes Bengrina, qui peut compter sur le réseau de la finance islamiste, mais aussi sur les pays sponsors du mouvement des frères musulmans comme la Turquie, le Qatar ou encore la Malaisie. Pour sa part, le candidat Ali Benflis qui possède déjà une fortune familiale pour financer certains aspects de sa campagne. Enfin pour ce qui est de Tebboune qui est proche du FLN, il pourrait compter sur le puissant appareil de l’ex parti Unique pour faire campagne. Après cette opération mains propres contre les hommes d’affaires, les candidats à la présidentielle sont avertis. Il est fortement interdit de se lier au monde des finances. Le plus grand signe de lutte contre cette relation incestueuse entre la politique et les finances, c’est l’arrestation de Baha Eddine Tliba, qui aurait financé les listes lors des dernières législatives. Avant-hier, des élus de l’APC de Souk Ahras ont été arrêtés et mis en prison pour avoir signé clandestinement des soutiens à un certain candidat. Il y a quelques jours encore le nouveau patron du FCE avait annoncé qu’il ne soutiendrait aucun candidats lors de cette présidentielle. L’épisode de Haddad a été une leçon pour de nombreux hommes politiques, désormais aucun responsable, ministre ou haut cadre ne s’aventurerait à tisser des relations avec un homme d’affaires quel que soit son influence. La chute d’hommes d’affaires puissants et très influents comme Kouninef, qui a bénéficié de la protection du clan Bouteflika durant plus de 20 ans ou encore de Haddad, Tliba et Tahkout a servi de leçon pour de nombreux candidats et personnalités qui se maintiennent sur la scène politique.
La prison pour les corrompus
Certains ont déjà annoncé sur les chaînes de télévision leur divorce avec le monde des finances et leur souhait de construire un pays sans corruption. Pour l’heure, aucun candidat n’a mis dans son staff une personnalité du monde des affaires et encore moins des médias. Deux paramètres importants pour rester à l’abri d’une éventuelle action en justice. Les candidats qui seront sélectionnés pour la présidentielle du 12 décembre devront compter sur les aides de l’Etat, environ 30 millions de dinars qui serviront pour l’affichage, le transport et la restauration des candidats et leur staff durant la campagne électorale. Certains diront que ca sera une campagne à la « Kais Essaid », (Qui avait réussi à se faire élire sans bénéficier des apports des patrons des finances tunisiens). Une campagne marquée par le « Takachouf », où les candidats devront éviter les avions pour se déplacer, de participer à des sorties dans les marchés et les cafés au lieu des meetings où tout le monde est payé pour chauffer la salle.
Amir Hani