Le leader indépendantiste catalan Carles Puigdemont arrêté en Allemagne
DIA-25 mars 2018: L’ex-président indépendantiste catalan Carles Puigdemont, sous le coup d’un mandat d’arrêt européen lancé par l’Espagne, a été arrêté dimanche par la police allemande près de la frontière avec le Danemark, cinq mois après avoir fui son pays.
Son arrestation a provoqué de premières manifestations en Catalogne. Des milliers de sympathisants se sont retrouvés sur les Ramblas, célèbres avenues du centre ville, à l’appel d’un groupe radical, les Comités de défense de la République (CDR).
Brandissant des drapeaux indépendantistes, ou des affiches réclamant la « Liberté des prisonniers politiques », il se sont ensuite rendus devant la délégation de la Commission européenne dans la métropole catalane, criant « Cette Europe est une honte ! »
« Cela nous indigne qu’ils aient arrêté Puidgemont, c’est notre plus haut représentant, notre président », s’est écrié Judit Carapena, une étudiante en architecture de 22 ans. « Mais qu’ils ne chantent pas victoire ce n’est pas la fin de l’indépendantisme, loin de là ».
Carles Puigdemont s’était réfugié à Bruxelles fin octobre 2017, anticipant les poursuites déclenchées par la justice espagnole à la suite de la tentative de sécession de la Catalogne l’automne dernier.
Il s’était installé dans la capitale européenne dans l’espoir, déçu, de recueillir des appuis pour la cause de l’indépendance de la Catalogne, une des plus riches régions d’Espagne.
Le dirigeant indépendantiste a été arrêté « à 11H19 (09H19 GMT) par la police autoroutière du Schleswig-Holstein », a déclaré à l’AFP un porte-parole de la police allemande, précisant avoir agi en vertu d’un mandat d’arrêt européen.
« Il m’a appelé ce matin pour dire qu’il avait été arrêté en Allemagne près de la frontière avec le Danemark », a déclaré son avocat belge Paul Bekaert à la télévision catalane. « Il venait de Finlande où il avait fait une conférence devant des étudiants. Il sera présenté à un juge qui décidera, en 48 heures, s’il doit être incarcéré ou laissé en liberté conditionnelle ».
M. Puigdemont a été arrêté deux jours après que le juge de la Cour suprême espagnole Pablo Llarena eut entamé des poursuites pour « rébellion » contre lui et 12 autres dirigeants séparatistes.
Au total, 25 dirigeants ont été inculpés, dont 12 pour des charges moins graves comme « désobéissance ». Le juge a émis ou réactivé des mandats d’arrêt européens et internationaux contre six d’entre eux en fuite à l’étranger, dont M. Puigdemont.
La rébellion est passible de 30 ans de prison en Espagne. Ce chef d’accusation est controversé, car il suppose un « soulèvement violent » qui, selon de nombreux juristes, ne s’est jamais produit.
Le juge accuse notamment M. Puigdemont d’avoir organisé le référendum d’autodétermination du 1er octobre malgré son interdiction et « le grave risque d’incidents violents ». Les images de brutalités policières lors de cette journée ont fait le tour du monde.
– Opération des services de renseignements –
L’ancien président destitué s’était rendu en Finlande jeudi et vendredi pour y rencontrer des parlementaires et participer à un séminaire à l’université d’Helsinki.
Carles Puigdemont s’était déjà rendu au Danemark en janvier sans être inquiété, ainsi qu’en Suisse en mars.
Mais il était suivi par le service de renseignement espagnol qui a alerté ses homologues allemands. « Puigdemont a été arrêté en Allemagne grâce à une opération conjointe de la police et du CNI (Centrale nationale de renseignements) », a confirmé dimanche soir un tweet de la police.
« Le président Puigdemont connaissait les risques », a affirmé lors de la manifestation Elsa Artadi, son ancien bras droit et députée fraîchement élue, « mais il n’a voulu à aucun moment que les risques et la peur l’arrêtent dans son activité politique pour internationaliser le conflit ».
Elsa Artadi avait auparavant annoncé que M. Puigdemont s’opposerait à son extradition. « L’Espagne ne garantit pas un procès équitable, seulement la vengeance et la répression », a-t-elle écrit sur son compte twitter.
Vendredi, le magistrat a également envoyé en détention préventive cinq indépendantistes dont Jordi Turull, candidat à la présidence de la Generalitat (exécutif catalan), plongeant encore un peu plus la Catalogne dans l’impasse politique.
Après l’incarcération de M. Turull, le parlement a ajourné la séance de désignation du nouveau chef de l’exécutif.
Les indépendantistes ont conservé la majorité absolue au parlement catalan après les élections du 21 décembre, convoquées par Madrid. Mais ils ont échoué à trois fois à faire investir un nouveau président pour la Catalogne en raison de décisions de justice. Leur premier candidat, Carles Puigdemont, n’a pas pu se faire élire depuis Bruxelles. Le second, l’activiste Jordi Sanchez, n’a pas été autorisé à sortir de prison.
S’ils n’y arrivent pas avant le 22 mai, de nouvelles élections seront automatiquement convoquées. Et tant qu’un président régional ne sera pas désigné, la Catalogne restera sous la tutelle de Madrid, imposée après la déclaration d’indépendance mort-née du 27 octobre.