Législatives-2017 : entre mauvais perdants et émergence de nouvelles forces politiques
DIA-05 mai 2017: Les résultats des élections législatives devraient tendre vers une légère reconfiguration du paysage politique en Algérie, suite à l’émergence de nouvelles forces politiques avec lesquelles les partis considérés comme étant traditionnellement des «forces politiques», doivent composer et contracter des alliances au sein de la future Assemblée populaire nationale. Pendant ce temps, les «petits partis» qui ont perdu du terrain réagissent et passent pour être des mauvais perdants, à l’exemple du PT ou du FNA qui tombent bien bas.
FLN : l’art de transformer la défaite en victoire
Le parti du Front de libération nationale occupe la première place certes, mais ses résultats ont reculé par rapport à 2012. Le parti est passé de 221 sièges en 2012 à 164 sièges en 2017. Le recul du FLN est certainement du aux crises successives ayant secoué cet ancien parti unique.
Les nombreux mouvements de redressement, ponctués par des changements au sommet ont nui à la stabilité du parti et à sa crédibilité. A cela s’ajoutent les histoires relatives à l’argent sale et l’achat des places à l’APN par des députés dans foi, ni loi. Autant de facteurs qui ont éclaboussé le parti qui a fini par perdre du terrain.
Les sorties hasardeuses de son secrétaire général, Djamel Ould Abbes, ont fait le reste, sachant que ses déclarations ont été contre-productives pour le parti d’où le recul de ses résultats
RND : une remontée menée de main de maître par Ouyahia
Le Rassemblement national démocratique (RND) a gardé sa deuxième place tout en améliorant sa performance, passant de 70 sièges en 2012 à 97 sièges. Il faut reconnaître que le secrétaire général du parti, Ahmed Ouyahia, est l’artisan de cette remontée spectaculaire.
Ouyahia a eu l’opportunité de confirmer son statut d’homme d’Etat durant toute la campagne électorale. Perspicace, il a tenu un discours responsable et cohérent, loin de toutes formes d’invective. Toutefois, il a su à quel moment se départir de l’obligation de réserves en sa qualité de ministre d’Etat, directeur de cabinet à la présidence de la République, pour répondre à ses adversaires, notamment Ould Abbes, qu’il a, à chaque fois, remis à l’ordre.
En ce sens, Ouyahia a été l’unique homme politique à avoir fait une proposition concrète lors de la campagne électorale, à savoir le rétablissement de la peine capitale pour l’appliquer contre les kidnappeurs d’enfants.
Les islamistes affaiblis par leurs nombreuses divisions
Les partis islamistes se positionnent comme la 3e force politique du pays, alors qu’ils auraient pu prétendre à un score meilleur s’ils étaient alliés. En ce sens, on retrouve l’alliance MSP-FC à la 3e place avec 33 sièges et l’alliance Adala-Ennahda-Bina à la 6e place avec 15 sièges.
Si ces partis étaient coalisés dans une même alliance, ils auraient pu gagner en crédibilité et s’adjuger davantage de sièges à l’APN. Leurs profondes divisions, alimentées par la course au leadership, les ont pénalisés d’où des résultats bien au-dessous de leurs potentialités.
Le Front El Moustakbel ou le parti de l’avenir
Le Front El Moustakbel poursuit son ascension et se classe à la 8e place avec 14 sièges contre deux sièges en 2012. Toutefois, il faut rappeler que le président de ce parti, Abdelaziz Belaid, s’était classé à la 3e place lors de l’élection présidentielle de 2014 et sa performance aux législatives de 2017 est logique pour ainsi dire.
Belaid est un militant qui a déjà fait ses classes au sein du FLN, puisqu’il a été pendant plusieurs années, secrétaire général de l’Union nationale de la jeunesse algérienne (UNJA).
TAJ, un résultat inespéré
Le parti de Amar Ghoul, Tajamou Amal al Jazair (TAJ) a réalisé un résultat inespéré à ces législatives. Il devance plusieurs partis en se classant à la confortable 5e place avec un total de 19 voix. Pour une première, c’est une réussite pour ce parti. Il faut rappeler que Amar Ghoul avait fait partie de l’Alliance de l’Algérie verte (AAV) en 2012, avant de créer son propre parti, composé essentiellement de plusieurs transfuges d’autres partis politiques.
Le FFS recule, le RCD revient de loin
La grosse déception de ces législatives vient du Front des forces socialistes (FFS) qui a rétrogradé de la 4e à la 7e places, passant de 21 sièges en 2012 à 14 en 2017. Cette descente aux enfers du FFS est, somme toute, logique quand on sait que ce parti a brillé par l’instabilité de son encadrement.
Le plus vieux parti d’opposition en Algérie a connu de nombreux changements au niveau de sa diction ces dernières années, ce qui a engendré des mouvements de protestations. Plusieurs cadres du parti se sont retrouvés dans l’obligation de se retirer du FFS.
Malgré cette instabilité, le FFS demeure ancrée en Kabylie et se partage les voix avec son rival de toujours, le Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD). Ce parti a réussi à glaner 9 sièges et se classer à la 11e place, alors qu’il avait boycotté les précédentes législatives.
Le MPA indésirable dans son fief
Grosse déception pour le Mouvement populaire algérien (MPA) de Amara Benyounes qui aspirait à des résultats meilleurs. Sûr de lui, Benyounes voyait déjà son parti comme la 3e force politique du pays. Mais la désillusion était grosse pour cette formation politique aux ambitions démesurées.
Le MPA qui se proclame comme un parti qui représente beaucoup plus la Kabylie, n’a pas réussi à concurrencer le RCD ou encore moins le FFS. Le parti de Benyounes a subi un affront dans la mesure où il n’a obtenu aucun siège en Kabylie.
Classé à la 9e place avec 13 sièges, le MPA a fait un score meilleur par rapport à 2012 (6 sièges). Mais compte tenu des moyens dont il dispose et surtout de son ancrage au sein du Pouvoir, ce parti s’attendait à mieux.
Le PT…pète du vent
Le Parti des travailleurs (PT) s’enfonce dans les profondeurs en reléguant à la 10e place avec 11 sièges, alors qu’il avait occupé la 6e place avec 17 sièges en 2012. Le PT est en perte de vitesse à l’image de son éternelle secrétaire générale, Louisa Hanoune qui occupe ce poste depuis…1992. Hanoune qui a banni l’alternance au sein du PT est en train de récolter le fruit de sa politique consistant à s’accrocher au siège de SG.
En ce sens, le PT qui avait par le passé la capacité de mobiliser des centaines de milliers de militants, se meurt. Le salut du parti passe par son renouvellement. En d’autres termes, l’ère de Hanoune est révolue ! A l’inverse l’Alliance nationale républicaine (ANR) a réalisé une bonne performance en récoltant 8 sièges contre 3 en 2012.
Enfin, les résultats de ces élections révèlent l’émergence des indépendants qui ont remporté 28 sièges contre 19 lors des législatives de 2012, et s’imposent ainsi comme un acteur politique important, notamment après l’interdiction du nomadisme politique. Pour rappel, l’APN compte 462 sièges.
Amir Hani