L’UE s’oppose à la fusion Alstom-Siemens : Colère des français et satisfaction des chinois
DIA-07 février 2019: Bruxelles a interdit, mercredi 6 février, le projet de fusion entre le français Alstom et l’allemand Siemens, estimant ce mariage néfaste pour la concurrence sur le marché ferroviaire de l’Union européenne, selon un communiqué. « La Commission a interdit la concentration parce que les parties n’étaient pas disposées à remédier aux importants problèmes de concurrence que nous avons relevés », a déclaré la commissaire à la Concurrence Margrethe Vestager, citée dans un communiqué de l’exécutif européen.
Cette décision de la Commission européenne qui était largement attendue a été perçue comme un veto par le ministre français des Finances, Bruno le Maire.
Après l’annonce, la secrétaire d’État français à l’Economie, Agnès Pannier-Runacher, a estimé, mercredi, que la décision était « complètement à côté de la plaque ».
Alstom comme Siemens ont déjà indiqué qu’ils ne contesteraient pas la décision de la Commission européenne. Toutefois, le patron de Siemens, Joe Kaeser, a déclaré dans un communiqué : « Protéger les intérêts des clients localement ne signifie pas se priver d’être sur un pied d’égalité avec des pays leaders comme la Chine et les États-Unis ».
Paris et Berlin prévoient une initiative pour réformer les règles européennes de concurrence et faire face à la Chine, a annoncé le ministre allemand. « Nous sommes convaincus que nous devons repenser et modifier les règles européennes de la concurrence », a déclaré Peter Altmaier (CDU), en annonçant « la préparation d’une initiative germano-française » en la matière, sans en préciser à ce stade les contours.
En effet, le Chinois CRRC était l’épouvantail qui avait été brandi pour justifier le mariage entre Alstom et Siemens en 2017. La décision de Bruxelles de s’y opposer, mercredi, fait les affaires de ce géant du rail né il y a seulement quatre ans.
Depuis sa naissance en 2015, China Railway Rolling Stock Corporation (CRRC) fait peur. Fort de plus de 18 000 salariés, d’un chiffre d’affaires de 26 milliards d’euros, il est incontestablement le premier constructeur mondial de matériel ferroviaire. Présent dans plus de 100 pays ou régions, il fabrique de tout : des rames de métro, des wagons, des locomotives à diesel ou électrique, ou encore des trains à grande vitesse. Son ambition : faire de l’ombre au Japonais Kawasaki, au Canadien Bombardier, et aux deux groupes européens, Alstom et Siemens.
“Pékin a adopté la stratégie inverse à celle de l’Europe en créant CRRC”, note Jean-François Dufour, directeur du cabinet d’étude China DCA Analyse. Là où Bruxelles a jugé qu’un ensemble Alstom-Siemens mettrait à mal la concurrence dans le ferroviaire, la Chine avait estimé qu’un seul champion national serait au contraire bénéfique.
Avant 2015, le secteur ferroviaire chinois avait un problème : les deux principaux acteurs – China Northern Rail (CNR) et China Southern Rail (CNS) – coopéraient en coulisse, mais étaient en concurrence direct pour décrocher les appels d’offres, que ce soit sur le marché national ou à l’international. Le régime craignait que cette situation n’aboutisse à des prix toujours plus cassés qui finiraient par peser sur les profits de ces entreprises. Les autorités ont donc décidé de réunir CNR et CNS au sein de CRRC.
Le nouveau titan du rail a alors été immédiatement lâché sur la scène internationale. Il n’a guère le choix : Pékin a réduit depuis plusieurs années les dépenses publiques dans les infrastructures en Chine et incite ses entreprises à trouver un relais de croissance à l’étranger.
L’atout maître de CRRC est le prix. Il est capable de proposer ses services 20 à 30 % moins cher que ses concurrents. Ironiquement, Bombardier, Kawasaki ou encore Siemens craignent un groupe qu’ils ont largement contribué à rendre ultra-compétitif. Les craintes d’Alstom, Siemens et les autres viennent aussi du fait que le géant chinois ne se limite pas aux pays en voie de développement.
R.E