Remaniement et ministres indésirables: Bouteflika donne raison à Sellal
DIA-11 juin 2016-18h00: Le président Bouteflika s’est mis à l’heure de l’Euro en opérant le Mercato d’été. L’ajustement gouvernemental qu’il vient de réaliser, annoncé depuis des semaines, semble donner raison à son Premier Ministre, Abdelmalek Sellal qui appelait ces changements de ses vœux depuis un moment.
La preuve en est que Sellal à l’oreille du Président. Même si le premier ministre avait fait de la « cohérence Gouvernementale » son leitmotiv, il se murmurait en privé qu’il était très mécontent de certains de ses ministres qui ont fini par prendre la porte avec ce remaniement de l’exécutif.
Au jeu des chaises musicales, le premier gagnant est certainement le désormais ex-PDG de la Sonelgaz, Nouredinne Bouterfa. Avec ce choix, le Président Bouteflika sanctionne l’effacé Salah Khebri qui a réussi l’exploit de n’occuper ce poste que durant 13 mois où il a manqué visiblement…d’énergie pour redresser un secteur en perdition. Les prévisions optimistes de Khebri ne semblaient pas coïncider avec le diagnostic sévère établi par le Président Bouteflika lui-même lors du conseil sur l’énergie où il avait décidé d’un Plan Orsec pour booster le développement du secteur, orphelin de Chakib Khelil depuis 2010. Au passage, le Président Bouteflika signe également le non-retour de l’ex ministre de l’énergie, longtemps sujet à spéculation des observateurs. Mais ce qui a pénalisé Khebri est qu’il n’a pas eu les compétences managériales souhaitées en haut lieu, tâtonnant sur le dossier du Gaz de schiste, n’arrivant pas à sortir la Sonatrach des conflits et des arbitrages internationaux qui lui coutent des milliards de dollars mais surtout à donner une vision stratégique à l’énergie.
Et c’est à « l’électricien » Nouedinne Bouterfa à qui revient cette lourde charge et non pas à Abdesselam Bouchouareb, ministre de l’énergie et des Mines, qui, dit-on, convoitait le job. Le nouveau ministre a davantage le profil d’un décideur, d’un manager moderne, adepte du parler franc mais surtout apprécié à l’international. Bouterfa qui a la double compétence de maitriser aussi bien les flux du gaz que les énérgies renouvelables, axes souhaités par Bouteflika, doit aussi repenser la stratégie du secteur. Avec une interrogation qui revient au Premier ministre : faire cohabiter son protégé, le PDG de la Sonatrach, Amine Mazouzi, empêtré dans des luttes organiques, avec le nouvel homme fort, Bouterfa, très apprécié dans les milieux de l’énergie.
Le second fusible de l’équipe Sellal est le ministre des Finances, Abderahmane Benkhalfa. L’expérience de cet économiste introduit et académique n’a pas résisté à la réalité de la situation financière algérienne. Accusé de porter la contradiction sinon de la provoquer, Benkhalfa paie la facture de plusieurs opérations ratées comme l’emprunt Obligataire et la politique fiscale pas assez effective. Avec les orientations économiques de Sellal, soufflée par sa Task Force, Benkhalfa faisait davantage partie du problème que de la solution. Bouteflika a préféré une promotion maison en élevant le ministre délégué au Trésor Baba Ammi qui mérite d’être observé tant ce Banquier d’une probité reconnue et qui pourrait équilibrer le changement à la banque d’Algérie toujours sujet à caution.
Au-delà des choix techniques, il y a eu également des choix politiques dans ce mini-remaniement. D’abord, le ministre du Tourisme Amar Ghoul (remplacé par le fidèle Abdelwahab Nouri). Ministre sans discontinue depuis 16 ans, l’ex-MSP et président de TAJ, a fini par quitter l’exécutif presque naturellement. Figure emblématique de l’alliance présidentielle, Ghoul est devenue une excroissance négative des dosages politiques au sein du Gouvernement. Handicapé par les relents de l’affaire de l’autoroute Est-Ouest et par ses changements d’opinion constants, Ghoul représente la fin de la politisation des portefeuilles ministériels. Ensuite, le ministre chargé des relations avec le Parlement, Tahar Khaoua, qui ne paie pas, comme certains peuvent le penser, sa guerre sourde à Amar Saidani, le SG du FLN et ancien allié, mais bien son indiscipline gouvernementale. Sellal, membre du CC du FLN au passage, avait maintes fois recadré l’enfant des Aurès pour exiger un minimum de sérénité dans la fonction et un certaine tenue, mais Khaoua, n’en avait cure des remontrances. Il sort du Gouvernement au grand bonheur de Saidani à la recherche actuellement de bonnes nouvelles.
D’autres ministères ont également été remaniés avec le jumelage des Transports avec les travaux publics sous la coupe de Boudjemaa Talai, adoubé. Le départ du ministre de l’agriculture, Sid Ahmed Ferroukhi (remplacé par Abdesselam Chelghoum), pourtant proche de Sellal dont on évoque des raisons médicales. Ou alors l’énième déménagement de Abdelkader Ouali, au ministère des ressources en eau qui fait de lui le véritable couteau suisse de l’équipe Sellal.
Enfin, il serait utile de noter le renouvellement de la confiance du duo Bouteflika-Sellal en la personne du ministre de la communication, Hamid Grine, donné partant par ses détracteurs. Une décision qui non seulement conforte le ministre dans sa stratégie actuelle et son opposition aux trusts dans les médias, comme dans l’affaire El Khabar-Rebrab, mais surtout le replace en position de force dans l’exécutif et face à l’opinion publique.
Sihem Sabor