Les secteurs économiques ratés de l’Algérie en 12 ans : L’industrie automobile, le tourisme et la culture
DIA-26 septembre 2017: L’Algérie qui risque de subir une crise économique de plein fouet a raté son envol durant les 15 dernières années . Après la fin silencieuse de la décennie noire et après la montée vertigineuse du prix du baril de pétrole durant les années 2000, l’Algérie n’a pas profité de cette manne financière pour construire son développement à l’image des pays voisins comme le Maroc et la Tunisie. Dans cette mauvaise gestion des ressources naturelles, trois secteurs ont été négligés et n’ont pas été développés par les différents gouvernements qui se sont succédé durant ces 15 ans de paix et d’embellie financière. Ce sont les secteurs de l’industrie automobile, le tourisme et la Culture. Retour sur une gestion catastrophique des deniers de l’Etat.
L’industrie automobile : l’usine vide de l’Algérie
Alors que le Maroc a développé une industrie automobile en ouvrant la première usine Renault en Afrique en 2012, l’Algérie a failli fermer son usine de construction de Bus et de camions : SNVI, alors que celle-ci avait fait ses preuves déjà dans les années 80. Au lieu d’avantager la société nationale, le gouvernement avait autorisé l’achat en masse de bus de l’étranger à coup de devises fortes : Le belge Van hool pour équiper les transports dans les grandes villes et Mercedes pour équiper les bus universitaires de Tahkout. Ce n’est qu’en 2014, qu’une instruction présidentielle a été diffusée afin de stopper l’importation de bus de l’étranger et opter pour les bus de la SNVI. Le MDN qui avait établi un partenariat avec Mercedes a construit des 4X4 équipés sir instruction également de la présidence, la Police, la Gendarmerie et même les forces de protection rapprochées. L’Etat a abandonné l’importation des véhicules allemands pour équiper ses forces de sécurité , cela pour réduire la facture en devises. Entre temps, le gouvernement s’est rendu compte qu’il a raté le virage de l’industrie automobile, alors que le Maroc a soigneusement bien négocié le sien.
Malgré ses ambitions dans l’assemblage, l’Algérie reste loin des volumes du Maroc. Le pays est notamment handicapé par la clause 51/49, alors que Rabat n’impose aucun partenariat local. Le Maroc est même devenu en 2016 le premier marché de Renault en Afrique. L’Usine de Tanger a sorti son millionième véhicule, alors que l’Usine d’Oran vient seulement d’atteindre les 100 000 véhicules produits. Le cas n’est pas spécifique au Maghreb, Renault est déjà présent sur le marché iranien depuis 2004 et n’a jamais quitté le pays depuis son installation. Renault renforce considérablement sa présence en Iran avec un accord de co-entreprise. Le groupe français détiendra 60 % des parts de la co-entreprise, avec l’Etat iranien pour la rénovation et le développement industriel ( 20 %) et la société privée iranienne Parto Neguine Nasseh, les 20 % restants. En voulant se protéger contre l’implantation des constructeurs étrangers sur son sol, l’Algérie s’est volontairement étouffée économiquement.
Voyant que l’importation des véhicules a absorbé la facture de devises de l’Etat, le gouvernement dans un moment de panique a changé de stratégie économique et réduit les quotas pour les concessionnaires et les obligea à créer des usines de montage pour exister. Deux concessionnaires, que l’Etat a soutenu à coup de subventions et de réductions d’impôts, sont obligés d’ouvrir pour « la forme » des usines de montage de véhicules : Tahkout et Sovac. Mais cette stratégie est loin d’être fructueuse et le gouvernement devra revoir sa copie sur ce volet. Le gouvernement Tebboune qui a tenté de stopper cette démarche sera écarté, alors que le nouveau premier ministre Ouyahia n’a pas encore précisé avec exactitude sa stratégie concernant l’industrie automobile.
Le tourisme algérien manque sa renaissance durant la révolution arabe
Alors que l’Algérie était dans les années 70 un pays à vocation touristique, la décennie noire a plongé le pays dans la zone à risques. Mais après l’arrivée de Bouteflika et la restauration de la paix et la sécurité, les différents gouvernements qui se sont succédés n’était pas intéressés à relancer le tourisme algérien de jadis. Au moment où nos deux voisins, la Tunisie et le Maroc, investissent dans les créneaux du tourisme de masse et du tourisme du Sud. Même si l’Algérie continue à construire des hôtels, le tourisme reste toujours absent de la stratégie du pays. Les agences de tourisme, se spécialisent plus dans l’exportation des touristes algériens à l’étranger : Maroc, Tunisie, Turquie, Grèce et Dubai, que d’organiser des circuits à l’intérieur du pays. Alors que le Touring club algérien, le voyagiste national, s’est orienté vers El Haj et El Omra. Le tourisme en Algérie est pour l’heure ignoré, alors que le Maroc et l’Egypte, accueillent respectivement 9,4 millions de touristes et la Tunisie environ 8,9 millions de touristes étrangers. L’Algérie n’est même pas classée dans le Top 100 des pays les plus visités et se classe même 118e en 2017. Plusieurs obstacles, bloquent la relance du tourisme en Algérie : Le VISA obligatoire pour les touristes européens (ce qui constitue un obstacle bureaucratique pour ceux qui cherchent la facilité pour se déplacer, L’Algérie pouvait obliger comme l’Egypte, l’achat de visa à 50 dollars pour tout touriste se rendant dans son pays.), l’absence de transports fusionnés et sécurisée (Avion-train-voiture), fermeture de la frontière avec le Maroc, qui permettait à plusieurs touristes venant avec leurs véhicules de France et d’Espagne pour visiter le pays et surtout l’absence de sécurité dans le Grand Sahara.
Le seul projet touristique de grande envergure a été lancé par un privé, Djillali Mehri la gazelle d’or à El oud, où l’algérien est presque indésirable.
Pire encore, le gouvernement est incapable de retenir ses propres citoyens pour rester dans le pays durant les vacances puisque plus de 2 millions d’algériens se rendent chaque année en Tunisie et au Maroc, dépensant des sommes importantes en devises et autant de perte pour les caisses de l’Etat.
L’Algérie n’a pas profité du retour de la sécurité dans le pays et surtout de la baisse de la fréquentation dans les pays voisins comme l’Egypte et la Tunisie entre 2012 et 2016 ; perturbés par les révolutions arabes.
Et pour couronner tout, l’Etat cafouille dans la nomination du nouveau ministre du tourisme et met plusieurs mois pour en choisir un autre et quand c’est le cas, il choisit un cadre issu du Sud qui n’a aucune expérience dans le domaine du tourisme et qui n’a pris aucune décision révolutionnaire depuis qu’il est en poste.
La culture, le grand flou artistique
La culture a été également l’un des grands ratages de la gestion financière du pays durant plus de 10 ans du règne notamment de la ministre Khalida Toumi, qui a bénéficié pourtant d’une manne financière importante en raison de la hausse du prix du pétrole. Le budget de la Culture est passé de 64 millions de dollars en 2003 à 561 millions de dollars en 2012, avant de descendre à 276,3 millions de dollars en 2013. A quoi a servi cet argent ? A financer des manifestations culturelles, des festivals internationaux, subventionner des projets qui n’ont rapporté presque rien et surtout à enrichir des producteurs de cinéma, de musique et des éditeurs de livres sans aucune contrepartie. Durant cette période, l’Algérie n’a pas construit de studios de cinéma, a fermé ses laboratoires de films, n’a pas construit de nouvelles salles obscures et a fermé celles qui existaient déjà. Entre 2010 et 2014, plusieurs producteurs algériens se sont rendus en Tunisie, pour tourner des films dans les studios de Tarek Ben Amar, payant en euro et avec l’argent accordé par l’Etat algérien. Le ministère de la Culture a même payé 15 millions de dollars en 2012 pour un film qui n’a pas été tourné, celui de l’Emir Abdelkader. Ceci au moment où le Maroc, (Encore lui) fait rentrer dans les caisses de l’Etat 120 millions de dollars, six fois plus que l’année précédente où le bénéfice pour le Maroc n’avait été que de 22 millions de dollars. 38 productions étrangères ont été tournées au Maroc l’an dernier a déclaré Sarim Fassi-Fihri, directeur du Centre cinématographique marocain.
Cette réputation a fait de la ville marocaine de Ouarzazate, au (sud) parmi les 10 meilleurs lieux de tournage au Monde.
Enfin l’Algérie a gagné néanmoins un opéra de grande facture…. Mais qui a été construit gratuitement par les chinois en remerciement des projets qu’elle a décoché en parallèle : la Grande Mosquée, le CIC, l’aéroport international, le nouveau siège du MAE…
Aujourd’hui le nouveau ministre de la Culture a la lourde tâche de tenir en vie un secteur qui n’a aucune rentrée d’argent : pas d’industrie de cinéma, pas d’industrie musicale et absence totale de création artistique. Pour survivre et financer quelques activités, le ministère de la Culture, envisage de rationaliser les projets et d’accorder des financements à ceux qui sont rentables
Si l’Algérie avait soigneusement développé ses trois secteurs qui sont le tourisme, l’industrie et la Culture, elle aurait eu des alternatives très intéressantes face la crise qui la secoue gravement aujourd’hui. L’investissement aurait été rentable. Mais malheureusement, passé l’heure de la manne pétrolière, on va retrouver, des usines inlassablement tristes, un tourisme moribond et une culture en perdition.
Salim AGGAR
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