Le président Tebboune dit tout sur les relations historiques, économiques et diplomatiques avec la France
DIA-03 juin 2021: Dans son entretien accordé au magazine français le Point, le président de la république Abdelamdjid Tebboune a répondu, avec franchise à une série de questions des deux journalistes algériens sur l’état des relations avec la France abordant notamment la question historique et le rapport Stora, les relations économiques et l’avenir des entreprises françaises en Algérie et surtout le volet partenariat et le sommet Comité intergouvernemental de haut niveau franco-algérien . Voici la partie de l’entretien du magazine le Point réservé à la question française.
Vous avez instauré, avec le président Macron, une approche apaisée de la question mémorielle, et en juillet 2020, vous avez déclaré, sur France 24 : « On a déjà reçu des demi-excuses. Il faut faire un autre pas… On le souhaite. » Quels gestes concrets attendez-vous de Paris ?
Les Algériens attendent une reconnaissance totale de tous les crimes. Dans l’histoire de la colonisation, il y a eu trois étapes douloureuses pour nous : le début de la colonisation, avec l’extermination, pendant quarante ans, de tribus entières, des villages entiers décimés et les enfumades. Ensuite, il y a eu la période de la spoliation, quand les terres étaient confisquées aux Algériens pour être distribuées à des Européens. L’horreur du 8 mai 1945 avec 45 000 morts. Enfin, il y a eu la guerre de libération, quand les Algériens ont pris les armes pour libérer leur pays.
Tout cela ne concerne pas la génération du président Macron, ni celle de certains intellectuels français, qui sont irréprochables, mais reconnaître ces faits est important. Car pourquoi tient-on à la reconnaissance de ce qu’ont subi les Arméniens, les juifs, et ignore-t-on ce qui s’est passé en Algérie ?
Ce que nous voulons, c’est une mémoire apaisée, reconnue. Qu’on sorte de cette fable d’Algérie terra nullius où la colonisation aurait apporté la civilisation. Cela dit, ce n’est pas la France de Voltaire, la France des Lumières que l’on juge. C’est la France coloniale. Nous n’oublierons d’ailleurs jamais que de nombreux Français ont rejoint le combat des Algériens, et aujourd’hui nous nous inclinons devant leur mémoire.
Le passif, une fois réglé, permettra une amitié durable entre les deux nations. Boumédiène avait dit à Giscard qu’on voulait tourner la page mais sans la déchirer. Et pour ce faire, il faut des actes.
Attendez-vous des réparations ou des compensations de la France, notamment concernant les essais nucléaires et leurs retombées ?
Nous respectons tellement nos morts que la compensation financière serait un rabaissement. Nous ne sommes pas un peuple mendiant, nous sommes un peuple fier et nous vénérons nos martyrs.
Nous demandons à ce que la France vienne nettoyer les sites des essais nucléaires, une opération qui est en bonne voie. Parce qu’aujourd’hui encore, la contamination fait des victimes. Que la France soigne les victimes des essais nucléaires.
Le monde s’est mobilisé pour Tchernobyl alors que les essais nucléaires en Algérie provoquent peu de réactions. Ils ont pourtant eu lieu à ciel ouvert et à proximité des populations.
Comment évaluez-vous le rapport de Benjamin Stora sur la colonisation et la guerre d’Algérie ?
Benjamin Stora est un historien qui n’a jamais été dans l’excès, toujours proche de la vérité. Il a rédigé un rapport destiné à son président mais qui ne nous est pas adressé.
Mais si on compare ce qu’ont fait les présidents français et ce que fait Emmanuel Macron aujourd’hui, on a l’impression que c’est ce dernier qui a été le plus loin…
Oui, on doit le rappeler et l’écrire. Macron a toute mon estime. C’est le plus éclairé d’entre tous. Les autres présidents avaient tous une histoire avec l’Algérie.
Ceux qui en veulent à sa politique envers l’Algérie ne représentent qu’une infime minorité. Ils gardent des relais mais sont rejetés par l’opinion française en général, car la plupart des jeunes Français d’aujourd’hui sont moins directement concernés par l’histoire algérienne.
Si nous n’arrivons pas à jeter des passerelles solides entre les deux pays sous la présidence Macron, cela ne se fera jamais, et nos pays garderont toujours une haine mutuelle.
Vous parlez finalement davantage de reconnaissance plutôt que de repentance ?
Reconnaître, c’est une forme de repentance. Mi-avril, la cinquième session du Comité intergouvernemental de haut niveau franco-algérien (CIHN) a été reportée. Y a-t-il un agenda pour la reprise des contacts à un haut niveau ?
La représentation française, composée au départ de dix ministres, avait été réduite à six, puis à quatre et enfin à deux ministres, pour discuter avec… dix ministres algériens !
Celui qui a pensé que cela pouvait se faire ainsi ne connaît rien ni à l’Algérie ni à la manière de travailler en bilatéral. La balle est dans le camp du gouvernement français pour organiser un autre rendez-vous.
Depuis le dernier CIHN, en décembre 2017, un seul projet économique (privé-privé) entre la France et l’Algérie, sur onze, a été concrétisé. Le dossier de l’usine Peugeot reste lettre morte ainsi que le partenariat entre Sanofi Pasteur et le groupe algérien Saidal… Comment redynamiser ces dossiers ?
Je ne pense pas que le bilan soit aussi négatif. De plus, le CIHN n’est pas uniquement une rencontre d’affaires, nous nous réunissons aussi pour parler d’autres dossiers.
Notez que 80 % de l’activité de Sanofi en Afrique est réalisée en Algérie et il n’y a pas de contentieux avec cet associé. Le partenariat avec Saidal est en train de se concrétiser. Pour d’autres – comme Suez ou la RATP -, les partenariats battent de l’aile. Nous pourrions aller plus loin mais des lobbys français [les nostalgiques de l’Algérie française et les réseaux marocains, NDLR], très puissants, criminalisent pratiquement le fait de travailler avec l’Algérie. C’est une réalité et pas un complexe de persécution.
Les relations ne se construisent pas de souverain à suzerain, mais d’égal à égal. Vous avez des intérêts que nous reconnaissons, que vous défendez, et nous avons des intérêts que nous devons défendre. Il faut sortir du mythe que les investisseurs français ont été malheureux en Algérie. Renault, Legrand et Schneider ont prospéré. Lafarge et Knauf ont exporté. BNP, SG, Natexis, Crédit agricole, Air France… ont acquis des parts de marché aussi, plus de 450 PME françaises sont présentes en Algérie.
L’usine Peugeot va-t-elle ouvrir ?
C’est un dossier en maturation. Le mérite de Peugeot, c’est de ne pas avoir accepté de verser de pot-de-vin [sous Bouteflika, NDLR]. Et pour cette raison, nous avons beaucoup de respect pour ce partenaire. Seulement, l’usine projette une production de 76 000 véhicules alors que l’Algérie consomme un minimum de 350 000 véhicules par an. Nous voulons aussi augmenter le taux d’intégration, à 30-35 %.
L’Algérie a une longue et tragique expérience dans la lutte contre le terrorisme islamiste. Pensez-vous que cette expérience soit utile pour la France ?
En Afrique et dans le monde arabe, nous sommes leaders dans la lutte contre le terrorisme. Cette expertise a bénéficié à tous les pays occidentaux, y compris aux États-Unis. Nous avons fait éviter des tragédies à la France, à la Belgique et à d’autres. Nous préférons garder cette coopération discrète, car il s’agit de sauvegarder des vies humaines en Europe et partout.
Mellah hocine
Attendez-vous des réparations ou des compensations de la France, notamment concernant les essais nucléaires et leurs retombées ?
La réponse aurait dû être , oui pour une compensation financière car les familles touchées sont dans un état lamentable , alors pourquoi pas une compensation financière adressée directement à ces familles qui sont vraiment dans le besoin . La reconnaissance morale reste insuffisante.
Quant à la position du président Tebboune vis à vis de Macron, les deux personnage porte le même état d’esprit .Un état d’esprit purement oral qui ne se limite qu’aux annonces jamais tenues, mais reconnaissance n’est jamais repentance. Tant que la repentance n’est pas exprimée les relations entre les Algérie et la France restons comme des » montagnes russes » ..
La France et l’Algérie entretiennent des relations qui vont au delà de tous ces chapitres abordés , l’Algérie est liée à la France par tant de pratiques administratives et judiciaires . Toutes les institutions algériens sont calquées sur celles de la France , ainsi le centralisme reste le facteur dominant.
L’Algérie , territorialement, fait cinq fois la France , alors pourquoi pas l’instauration d’un fédéralisme à l’image de tant de pays développés.
Non , les relations entre l’Algérie et la France sont encore plus profondes , il faudrait beaucoup de temps pour s’en détacher.
Mellah hocine
En fait , si on regardait un peu le journal pour lequel notre président a fait ces révélations , c’est LE POINT. Ce magasine appartient à un certain François Pinault . Que disent les médias sur cette homme , chez qui travaillent nos deux journalistes :
Enquête sur l’homme le plus riche de France
Parti d’un négoce de bois en 1962, le voici à la tête d’un empire qui va de la distribution au BTP, en passant par TF 1. Portrait d’un bagarreur
C’est l’histoire d’un grand fauve. Un chasseur féroce qui hume sa proie à cent lieues, la guette durant des heures. Surgit d’un bond, mord sa victime à la gorge et ne lui laisse aucune chance d’en réchapper. Puis s’en repaît à l’ombre, sûr de sa force…
François Pinault est ainsi. «Je suis aux aguets 24 heures sur 24, confia-t-il un jour. Bien sûr, c’est fatigant, mais, sinon, on se traîne, on n’arrive à rien…» L’homme a l’instinct d’un prédateur. Vorace. Irrésistible. En moins de quatre décennies, cet autodidacte breton, ex-négociant en bois, propriétaire du groupe Pinault-Printemps-Redoute-Fnac, s’est hissé au premier rang des fortunes françaises avec 32 milliards de francs d’actifs, juste devancé – selon le dernier classement de Capital – par l’héritière Liliane Bettencourt, actionnaire de L’Oréal et de Nestlé. Une rentière…
Humilié, il quittera l’école à 16 ans, nourrissant dès lors une haine froide pour tout ce qui est moulé par les diplômes, les castes et l’establishment. Ensuite, il endure les travaux des champs, une engueulade familiale et trente mois à tuer en Algérie. Lui il le savait , au début des années cinquante, la France considère l’Algérie comme faisant partie intégrante de son territoire. Pourtant la population musulmane a de plus en plus de mal à supporter l’inégalité de la société algérienne, dans laquelle elle se retrouve sous-représentée politiquement et opprimée par un système économique qui ne profite qu’aux colons.
Engagé volontaire pour l’Algérie en 1956, François Pinault y a été artilleur sur les hauteurs de Blida. Il y passera trente mois et rapportera une médaille : celle de la Valeur militaire et un aveu publié en 1991 dans le Journal du Dimanche : « J’ai toujours au fond de moi le regard du type que j’ai flingué à cinq ou six mètres… C’était lui ou moi « . Il a également été fait Commandeur de la Légion d’honneur par son ami Jacques Chirac en avril 2007.
Voilà le genre humain auquel on accepte d’accorder un entretien , paradoxe des paradoxes.