Quand l’IA s’invite chez nous : l’Algérien face aux algorithmes du quotidien - DIA
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Quand l’IA s’invite chez nous : l’Algérien face aux algorithmes du quotidien

DIA-25 juin 2025: Commande vocale sur smartphone, recommandations de vidéos de surveillance urbaine, publicités ciblées… En Algérie aussi, les algorithmes sont partout. Pourtant, une grande partie de la population ignore encore la puissance silencieuse de l’intelligence artificielle dans sa vie quotidienne. Analyse d’un phénomène discret, mais transformateur.

“Invisible mais présente : comment l’intelligence artificielle s’est installée dans la vie des Algériens “

Longtemps associée aux films de science-fiction ou aux robots futuristes, l’intelligence artificielle (IA) est désormais une réalité bien ancrée dans nos vies. En Algérie, comme ailleurs dans le monde, elle s’infiltre progressivement dans nos téléphones, nos transports, nos réseaux sociaux, et même nos habitudes de consommation. Pourtant, peu d’Algériens en sont réellement conscients. À travers cet article, nous explorons comment l’IA se manifeste dans la vie quotidienne, comment elle est perçue par la population, et quels défis elle soulève dans un pays en pleine transition numérique.

L’intelligence artificielle, ou IA, désigne un ensemble de technologies capables d’apprendre à partir de données pour prendre des décisions ou faire des prédictions, sans être explicitement programmées pour chaque tâche. Elle s’appuie souvent sur des techniques comme le machine learning (apprentissage automatique), où l’algorithme s’améliore à mesure qu’il analyse des comportements ou des exemples.

L’IA est déjà là : où se cache-t-elle ?

L’intelligence artificielle ne se limite plus aux laboratoires de recherche ou aux entreprises de haute technologie. Elle est aujourd’hui intégrée dans de nombreuses applications utilisées chaque jour par les Algériens.

Sur les plateformes comme TikTok, YouTube ou Facebook, ce sont des algorithmes d’IA qui décident quelles vidéos ou contenus vous sont proposés. En observant ce que vous aimez, partagez ou ignorez, ces systèmes apprennent à prédire vos préférences. Ce processus, appelé machine learning (apprentissage automatique), consiste à entraîner une IA à repérer des habitudes dans vos données, pour ensuite vous proposer ce qui vous intéresse… parfois plus que ce que vous auriez choisi vous-même.

Mais l’IA va bien au-delà de ces plateformes connues. Quand vous ouvrez Baridi Mob pour effectuer un virement, un algorithme analyse en quelques millisecondes vos habitudes de paiement pour détecter toute transaction suspecte. Les distributeurs automatiques de billets CIB utilisent également des systèmes de reconnaissance faciale et d’analyse comportementale pour prévenir la fraude. Même l’application météo de votre téléphone utilise des modèles prédictifs qui analysent des milliers de données climatiques pour vous dire s’il pleuvra demain à Sétif ou à Tlemcen par exemple.

Même les applications de transport telles que Yassir ou TemTem reposent sur de l’IA. L’algorithme choisit le meilleur chauffeur, le trajet le plus rapide ou le prix le plus adapté à la demande. De manière invisible, l’IA permet d’optimiser le service en fonction de l’heure, de la circulation ou des comportements des utilisateurs.

Ces applications vont plus loin qu’on ne l’imagine. Elles analysent les embouteillages typiques du boulevard Colonel Amirouche à Alger, prédisent les heures de pointe pendant le Ramadan, et ajustent même les tarifs selon les événements locaux comme les matchs de l’USMA ou du MCA. L’IA apprend aussi à reconnaître les quartiers où les utilisateurs préfèrent payer en espèces plutôt que par carte, adaptant ainsi les services aux habitudes algériennes.

Dans les téléphones, la reconnaissance faciale, la correction automatique de texte ou les assistants vocaux comme Google Assistant fonctionnent aussi grâce à des modèles d’IA.

Plus subtil encore : l’IA qui gère votre consommation électrique. Sonelgaz utilise des algorithmes prédictifs pour anticiper les pics de consommation et éviter les coupures. Quand vous allumez votre climatiseur un été , un système intelligent calcule en temps réel la charge sur le réseau. De même, Algérie Télécom utilise l’IA pour optimiser la qualité de votre connexion internet selon votre zone géographique et vos habitudes de navigation. Les pharmacies commencent aussi à utiliser des systèmes intelligents pour gérer leurs stocks de médicaments, prédisant les besoins selon les saisons et les épidémies locales.

Ce que l’Algérien en pense : entre ignorance, curiosité et méfiance

Malgré cette présence constante, la majorité des utilisateurs algériens ne réalisent pas qu’ils interagissent avec des intelligences artificielles. Pour beaucoup, l’IA reste une abstraction, souvent confondue avec les robots ou des technologies du futur. L’idée qu’un algorithme puisse « apprendre » à les connaître semble encore floue.

Cette ignorance entraîne parfois des situations inattendues.par exemple ,un étudiant pense que YouTube lui propose des vidéos « par hasard », sans réaliser qu’un algorithme analyse ses 50 dernières recherches pour lui suggérer du contenu.Ou bien les commerçants, utilise une application de gestion de stock qui prédit automatiquement ses commandes, mais elle attribue cette intuition à la chance plutôt qu’à l’intelligence artificielle qui analyse ses ventes historiques.

Certaines personnes expriment de la méfiance : peur d’être surveillé, de perdre le contrôle sur ce qu’on voit ou ce qu’on pense. D’autres, surtout parmi les jeunes, voient l’IA comme un outil fascinant, notamment depuis la popularité de ChatGPT, capable de générer des textes ou répondre à des questions complexes en quelques secondes.

Cette méfiance s’exprime différemment selon les générations. Les plus de 50 ans craignent surtout que leurs données bancaires soient « volées par des machines », tandis que les jeunes s’inquiètent plutôt de la manipulation de leurs opinions politiques par les algorithmes des réseaux sociaux.Par ailleurs, beaucoup utilisent quotidiennement des filtres Instagram avec reconnaissance faciale tout en déclarant se méfier de l’IA. Les étudiants universitaires, eux, découvrent les IA génératives comme Midjourney pour créer des images ou DeepL pour traduire leurs mémoires, mais peinent à comprendre les implications éthiques de ces outils.

Mais une chose est claire : le manque d’éducation numérique crée une fracture. Beaucoup utilisent l’IA sans jamais se poser de questions. Pourtant, comprendre comment ces systèmes fonctionnent est essentiel pour maîtriser plutôt que subir leur influence.

Défis et perspectives

La généralisation de l’intelligence artificielle dans la vie quotidienne algérienne pose de nouveaux enjeux. D’abord sur le plan de la vie privée : nos données sont analysées, exploitées, parfois stockées à l’étranger, sans que nous sachions vraiment comment. Ensuite, sur le plan légal et éthique : l’Algérie ne dispose pas encore d’un cadre réglementaire clair pour encadrer l’usage de l’IA.

Selon un rapport de l’Union africaine publié en 2024, seulement 7 % des pays africains disposent d’une stratégie nationale claire sur l’intelligence artificielle. L’Algérie n’en fait pas encore partie, bien qu’elle compte plus de 26 millions d’utilisateurs actifs sur les réseaux sociaux, principalement exposés à des algorithmes d’IA venant de l’étranger, sans contrôle local.

Les enjeux de souveraineté numérique sont particulièrement criants. Quand un Algérien utilise Google Maps pour se rendre de Bab El Oued à Hydra, toutes ses données de déplacement sont stockées sur des serveurs américains. Les algorithmes de recommandation de Facebook analysent les conversations en dialecte algérien pour cibler la publicité, créant une carte précise des habitudes culturelles nationales accessible à des entreprises étrangères. Plus préoccupant encore : les systèmes de reconnaissance faciale dans les centres commerciaux d’Alger utilisent des technologies chinoises dont les données de sécurité échappent totalement au contrôle algérien.

Mais l’IA est aussi une opportunité immense. Elle peut améliorer les services publics, aider les médecins, optimiser la logistique ou faciliter l’apprentissage À condition de former les jeunes, de sensibiliser et éduquer le grand public à l’IA, et de stimuler la création locale de technologies adaptées à notre culture et nos langues.

Les opportunités concrètes émergent déjà. L’hôpital Mustapha Pacha teste des systèmes d’IA pour diagnostiquer les radiographies pulmonaires, réduisant les délais d’attente. Certaines startups algériennes créent des applications d’IA pour l’agriculture saharienne, analysant l’humidité du sol via des capteurs connectés. L’École Supérieure d’Informatique forme déjà des spécialistes en machine learning, créant un vivier de talents locaux. Ces initiatives montrent qu’une IA « made in Algeria » est possible, à condition d’investir massivement dans la formation et la recherche.

Comprendre pour avancer

L’intelligence artificielle n’est plus un concept lointain : elle est là, dans nos applications, nos habitudes. En tant qu’Algériens, nous devons apprendre à reconnaître son influence, à en tirer parti, mais aussi à poser les bonnes questions. Comment protéger nos données ? Comment garantir une IA éthique, locale et inclusive ? Comment former la prochaine génération à ces enjeux ?

L’urgence est réelle. Alors que nos voisins marocains et tunisiens développent des stratégies nationales d’IA, l’Algérie risque de devenir un simple marché de consommation de technologies étrangères. Pourtant, avec ses 45 millions d’habitants connectés, ses universités scientifiques et sa position géographique stratégique entre l’Europe et l’Afrique, l’Algérie a tous les atouts pour devenir un hub régional de l’intelligence artificielle. Mais cela nécessite une prise de conscience collective : l’IA n’est pas qu’un outil technologique, c’est un enjeu de souveraineté nationale.

L’IA ne remplacera pas l’humain, mais elle changera notre façon de vivre. Il ne tient qu’à nous de décider dans quelle direction. L’intelligence artificielle n’est pas une révolution à venir. Elle est déjà là. À nous de ne pas rester spectateurs.

Maissa A

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