Son film est censuré: Un producteur écrit au ministre de la Culture (Vidéo) - DIA
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Son film est censuré: Un producteur écrit au ministre de la Culture (Vidéo)

DIA-06 septembre 2016: Dans une lettre envoyée au ministre de la Culture et à son secrétaire général, le producteur du documentaire « Vote Off », Yacine Bouaziz tente de convaincre le ministère sur la bonne foi de son oeuvre et explique sa démarche aux responsables du secteur. Il précise que son film ne porte aucune critique acerbe au pouvoir mais ouvre le débat sur l’apprentissage de la démocratie, en donnant la voix à tous le monde. Contrairement au film de Malek Bensmail: « Pouvoirs Croisés », qui évoque l’élection présidentielle de 2014 à travers la rédaction d’El Watan et qui a été projeté à Bejaia et à Alger, le film « Vote Off », produit par Thala Film qui évoque la même problématique mais avec beaucoup plus d’intelligence n’a pas obtenu l’autorisation pour être diffusée à Bejaia le 8 septembre. Le producteur a envoyé cette lettre de dernier recours pour essayer de convaincre le ministre Mihoubi de lui accordé l’autorisation pour la projection. Voici la bande annonce du film Vote-off suivi du message posté sur facebook du réalisateur Faycal Hammoum. 

Monsieur Le Ministre de la Culture,

Je suis Yacine Bouaziz, le producteur de Thala Films. Abdenour Hochiche, organisateur des Rencontres Cinematographiques de Bejaia, se joint a moi dans cet email.

Tout d’abord nous nous excusons de cette incursion dans votre boite mail. Ce n’est pas dans nos habitudes d’outre passer les règles de bien séances qui voudraient que l’on demande audience pour s’adresser a vous. C’est la situation qui le veut. Veuillez je vous prie croire en notre bonne foi.

En effet Monsieur Le Ministre, nous sommes sous le choc apres la décision qu’a prise le Ministere de la Culture concernant le documentaire Vote Off qui devait etre projeté aux Rencontres Cinematographiques de Bejaia ce jeudi 8 septembre a 17h. M. Abdenour Hochiche a reçu l’autorisation de projeter tous les films qu’il a presenté a la commission de visionnage, tous excepté le notre… Nous pensons que c’est une décision de censure démesuré, grave et infondée… C’est une atteinte a la liberté d’expression que nous garanti la constitution de notre pays dans son article 44.1 — La liberté de création intellectuelle, artistique et scientifique est garantie au citoyen…

Monsieur Le Ministre de la Culture, nous ne comprenons pas cette décision. Pour nous Vote Off est une ode a la démocratie algérienne. La période des élections en 2014 fût pour tout le pays un moment d’une extrême tension. Notre film tente de retranscrire cela. En même temps il donne la parole a des jeunes qui sont actifs dans la société. Des jeunes qui travaillent. Certains sont pour le 4ème mandat. D’autres ne trouvent pas l’utilité de voter. Et c’est bien cela le sujet du film : essayer de comprendre pourquoi certains jeunes ne croient plus aux élections. Le cinéma joue la son rôle crucial car il tente de comprendre un fait social. Il est un miroir de la société algérienne, un miroir dont tout le monde pourrait tirer partie pour améliorer l’avenir de ce pays.

Monsieur Le Ministre de la Culture, nous sommes trés actifs dans le domaine du cinéma en Algérie. Que se soit Thala Films ou l’Association Project’heurts, notre dévouement pour le 7ème art et la culture algérienne n’est plus a prouver. Nous faisons partie de cette nouvelle génération qui porte l’espoir en elle sans rien attendre en retour.

L’Association Project’heurts organise depuis 14 ans une manifestation sans précédent. Ces rencontres sont devenues un moment incontournable pour les cinéastes et les cinéphiles algériens. Tout ceci est organisé de manière bénévole par des jeunes passionnés qui n’ont pour but que de faire découvrir des films, algériens pour la plupart, qui questionnent la société et le monde.

Nous avons a Thala Films produit des films sans l’aide du Ministère de la Culture. Ces films ont obtenu des prix lors de festivals internationaux et nationaux prestigieux. Le Ministère nous a toujours refusè le visas d’exploitation pour nos œuvres. Je ne comprend pas cet acharnement a notre encontre. Surtout que nous vivons l’ére du numérique et qu’il suffit apres quelques clics de diffuser nos films sur le net ou ils auront certainement plus de vue que dans le peu de salles dont nous disposons… Mais notre professionnalisme nous pousse a miser d’abord sur le publique des salles, et des salles algériennes avant tout, car nous faisons des films pour qu’ils soient vu dans un cinema par un publique algérien et non sur un écran d’ordinateur…

Monsieur Le Ministre de la Culture, nous croyons réellement en votre bonne volonté et a celle de votre équipe. Croyez en la notre aussi. Nous ne demandons qu’a relever le défis qui s’offre a nous en tant que jeunes impliqués dans la culture de notre pays, afin de faire des films algeriens de qualité qui n’ont rien a envier aux autres pays et de les diffuser a un publique algérien trés curieux et demandeurs… Ne nous cassez pas dans notre élan créatif… Soyez a nos cotés et voyez de quelle maniere nous saurons nous montrer digne de votre confiance dans les années avenirs.

Ne muselez pas les artistes Monsieur le Ministre de la Culture, je vous en conjure c’est mauvais pour le pays… Mauvais pour notre image, ici et a l’étranger… Mauvais pour l’avenir de nos enfants… Mauvais pour la culture et la jeunesse… Je vous en conjure Monsieur le Ministre de la Culture revenez sur cette décision et laissez les quelques 200 bougiottes voir notre film en salle ce 8 septembre a Bejaia… Ce serait un échec pour nous si la Tunisie ou bien encore Dubai séléctionne ce film qui sera interdit de diffusion en Algérie. En tant qu’algérien nous en aurions honte mais seront contraint de le projeter malgré tout.

Monsieur Le Ministre de la Culture, jamais dans aucune société du monde un film n’a fait tombé un gouvernement ni fait basculer la politique d’un pays. Un film c’est un miroir de la société. Le notre ne porte aucune forme de diffamation ni d’atteinte en la personne du Président ou de quiconque. Tirons tous partie du constat de ce film et faisons tous ensembles avancer notre société. Le museler ne sert absolument a rien. Cela n’empechera pas sa diffusion, bien au contraire. Vous ferez de la mauvaise publicitié pour notre Ministère de la Culture ainsi que pour notre Algérie qui est démocratique et populaire. Alors laissons la démocratie s’exprimer et batissons une Algérie meilleure, tous ensembles comme des frères et non comme des ennemis.

J’espère que ce mail vous parviendra et que vous serez sensible a notre requête.

Cordialement,

Yacine Bouaziz, Producteur de Thala Film  

Quelques minutes avant la publication de cette lettre, le réalisateur Faycal Hammoun publie à son tour un message sur sa page facebook à propos de la censure de son film 

Lettre du réalisateur de Vote Off, Fayçal Hammoum :

Mesdames, messieurs

« Artistes, journalistes, spectateurs, curieux, citoyens amoureux de la culture et amis de tous bords, c’est avec une grande tristesse que je m’adresse à vous aujourd’hui. »

En effet, il y a quelques jours, j’ai reçu un appel de Abdenour Hochiche, directeur des Rencontres Cinématographiques de Bejaia. Il m’annonce avec surprise que mon film documentaire « Vote Off », tourné il y a deux ans à Alger lors du dernier scrutin présidentiel, et produit par Thala Films, ne pourra pas être projeté ce jeudi 8 septembre dans le cadre de ces rencontres, comme cela était initialement prévu. La cause : le ministère de la culture refuse de délivrer une autorisation de projection. Ce documentaire, traitant des élections présidentielles, étant le seul de toute la programmation à ne pas obtenir cette autorisation (dont la mise en place, rappelons-le, est toute récente), on ne peut que se rendre à l’évidence et appeler les choses par leur nom : Il s’agit la d’un cas flagrant de censure !

Etant jeune cinéaste comme d’autres sont médecins ou boulangers, et faisant comme eux, modestement, ce que je sais faire de mieux, ce bras de fer constant avec le ministère de mon pays et autres autorités « suprême » de la culture commence à me fatiguer. Et je suis, de la même façon, fatigué d’avance de devoir demander grâce pour un film condamné à mort par la censure.

Comme je suis, pour ma part, condamné à l’espoir, je vais vous parler d’un film, d’une liberté et d’une jeunesse. Ce film s’appelle « VOTE OFF». Il aurait tout aussi bien pu s’appeler «Il était une fois un mois d’avril 2014 » ou « A quoi rêvent wled houmti ». Il s’agit avant tout d’un film fait avec des algériens, en Algérie, avec, certes, des moyens de productions modestes, mais une énergie monstrueuse.

C’est un voyage électoral ou plutôt une balade où se côtoient le doute, la peur, l’espoir. À la manière d’un facteur, je suis allé faire du porte-à-porte ; j’ai passé du temps avec des amis et en ai rencontré de nouveaux ; j’ai capté des moments intimes ; je voyais ces hommes et ces femmes sortir de chez eux pour aller travailler, rêver, se battre, et j’ai eu envie de les filmer, de les aimer, d’accompagner chacun de leurs moments de vies et de construire avec eux une histoire qui est devenue, à l’arrivée, un film, mais aussi une parcelle de notre mémoire collective. Cette mémoire que l’on léguera à nos enfants.

Au-delà des parcours individuels de mes personnages, qui sont au centre du projet, j’ai aussi fait ce film pour une raison simple et sans doute un peu naïve : Je veux croire que l’Algérie peut et doit devenir aussi démocratique que possible.
Interdire ce film, c’est interdire la croyance qui en est à l’origine. La croyance en un pays de droit où l’expression d’une idée n’est pas vécue comme une menace mais une chance.
Interdire ce film, c’est interdire par avance tous les films qui voudront affirmer cela. C’est, qu’on le veuille ou non, avouer que rien ne changera.

Les chemins de la liberté ne sont pas toujours simples et c’est pour ça qu’il ne faut jamais les perdre de vue. On peut toujours enterrer un film mais jamais la parole et encore moins la pensée des hommes.

MERCI À TOUS.

FAYÇAL HAMMOUM
Cinéaste & producteur

 

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