Le chanteur marocain Saad Lamjarred jugé pour viol aggravé en France
DIA-20 février 2023: Le procès du chanteur star marocain Saad Lamjarred, accusé d’avoir violé et frappé une jeune femme dans une chambre d’hôtel en 2016 en marge d’un concert prévu à Paris, s’ouvre lundi dans la capitale. La pop star de 37 ans, adulée au Maroc et célèbre dans tout le monde arabe, doit comparaître devant la cour d’assises pendant cinq jours.
Les faits que dénonce Laura P. remontent à octobre 2016. Âgée de 20 ans, elle a suivi le chanteur et un couple de ses amis à un «after», après avoir fait leur connaissance dans une boîte de nuit. À la fin d’une soirée chargée en alcool et cocaïne, elle a accompagné Saad Lamjarred à son hôtel sur les Champs-Élysées.
Sur place, ils ont bu du champagne, dansé, se sont embrassés. Puis, selon son récit aux enquêteurs, il est devenu plus entreprenant et elle s’est dérobée. Il l’aurait alors saisie par les cheveux, avant de s’allonger sur elle sans qu’elle n’arrive à le repousser, de déboutonner son pantalon.
Comme elle se débattait, il lui a donné un coup de poing, a-t-elle déclaré aux enquêteurs. Il l’aurait ensuite tenté d’abuser d’elle alors qu’elle le repoussait, le mordant et le griffant, avant de la frapper encore.
Laura P. a expliqué avoir réussi à lui échapper et lui avoir dit qu’elle porterait plainte : il lui a alors offert de l’argent et un bracelet, selon elle. Avant de la renverser sur le lit et de l’agresser à nouveau, a-t-elle ajouté.
«No proof»
Des employés de l’hôtel ont relaté avoir recueilli une jeune femme au t-shirt déchiré «en pleurs», «terrorisée», et stoppé l’homme vraisemblablement ivre qui la poursuivait. «No proof» (pas de preuve), aurait lâché Saad Lamjarred avec un sourire arrogant, selon le témoignage d’un agent de sécurité.
Le chanteur a lui soutenu qu’il n’avait fait que se défendre, par «réflexe», quand Laura P. l’avait subitement attaqué alors qu’ils s’embrassaient en se déshabillant. Il a contesté toute pénétration et s’est dit «incapable» de frapper une femme. Il ne l’aurait poursuivie que pour éviter le «scandale» car il était connu.
Incarcéré dans la foulée, il a été libéré sous bracelet électronique en 2017 – avant d’être à nouveau brièvement placé en détention en 2018 car mis en examen pour le viol d’une autre jeune femme à Saint-Tropez (Var).
Laura P., aujourd’hui 27 ans, «viendra affronter» Saad Lamjarred à l’audience «pour ce procès qu’elle attend», a indiqué son conseil, Me Jean-Marc Descoubès. Les avocats du chanteur, Jean-Marc Fedida et Thierry Herzog, n’ont pas souhaité s’exprimer avant l’ouverture du procès.
«Ego surdimensionné»
Sa défense a avancé que Laura P. s’était rendue volontairement dans la chambre, qu’elle n’avait pas clairement manifesté son absence de consentement, et qu’aucun élément ne prouvait qu’il y avait eu pénétration. Saad Lamjarred a initialement été renvoyé en correctionnelle pour «agression sexuelle» et «violences aggravées» avant que la cour d’appel n’estime que les faits devaient être qualifiés de viol.
Au cours de l’instruction, il a été mis en examen pour une autre affaire, jointe au dossier : il était accusé d’avoir violé et frappé une jeune Franco-Marocaine à Casablanca en 2015, dans des circonstances similaires. La plaignante s’est ensuite mise en retrait de la procédure en évoquant de lourdes pressions familiales, et le juge a ordonné un non-lieu pour ce volet. Saad Lamjarred a aussi été mis en cause pour viol aux États-Unis en 2010, également dans des circonstances proches. Les poursuites ont finalement été abandonnées après une transaction avec la victime dont le montant n’a pas été dévoilé.
L’expert psychiatrique qui a examiné la star pendant l’enquête a décrit un homme au comportement «immature», doté d’un «égo surdimensionné qui limite sa tolérance aux frustrations». Les accusations de viols à l’encontre de celui qui cumule des centaines de millions de vues sur YouTube avaient relancé au Maroc le débat sur les violences faites aux femmes, mais Saad Lamjarred a gardé le soutien de ses fans – et le roi Mohammed VI a participé à ses frais d’avocats. Il encourt jusqu’à 20 ans de réclusion criminelle.