Tunisie : Le président Saied évoque une réforme de la Constitution
DIA-12 septembre 2021: Le président tunisien Kais Saied a annoncé samedi soir la nomination «dans les plus brefs délais» d’un nouveau gouvernement et évoqué une réforme à venir de la Constitution, lors d’un bain de foule nocturne à Tunis. Un nouveau gouvernement sera «formé dans les plus brefs délais» après «sélection des personnalités les plus intègres», a indiqué M. Saied, aux télévisions Wataniya et Sky News Arabia, après avoir déambulé, sous bonne garde, sur l’avenue Bourguiba qui traverse le coeur de la capitale.
Il n’a pas donné de date précise pour la formation du gouvernement, ajoutant: «nous continuons la recherche des personnalités qui vont assumer cette responsabilité».
Le président Saied a aussi évoqué la Constitution de 2014, affirmant qu’il la «respecte mais que l’on peut introduire des amendements au texte». Selon lui, «le peuple tunisien a rejeté la Constitution» et «les Constitutions ne sont pas éternelles». Il faut donc, à ses yeux, «amender en respectant la Constitution», en gardant à l’esprit que «la souveraineté appartient au peuple».
Ces derniers jours, de nombreux médias ont spéculé sur l’annonce prochaine d’un gouvernement provisoire suivie d’une révision de la Constitution devant ensuite être soumise au suffrage universel via un référendum, avant de nouvelles élections législatives.
Le 25 juillet, M. Saied a limogé le Premier ministre, a suspendu les activités du Parlement et s’est arrogé aussi le pouvoir judiciaire, pour un mois renouvelable avant de prolonger ces mesures le 24 août, «jusqu’à nouvel ordre».
Théoricien du droit et enseignant, Kais Saied se présente depuis son élection surprise à une ample majorité fin 2019 comme l’interprète ultime de la Constitution. Il s’est appuyé sur son article 80 qui envisage des mesures exceptionnelles en cas de «péril imminent» à la sécurité nationale, pour justifier les décisions prises il y a plus d’un mois et demi.
Mellah hocine
Que cherche le président tunisien à travers cette option d’une nouvelle constitution ? Pourtant, les tunisiens se sont dotés d’une constitution des plus démocratiques . En effet en 2014 , la nouvelle Constitution tunisienne devait abolir le totalitarisme et l’hégémonie d’un seul parti qui accaparait de fait le Législatif et l’Exécutif, dans un système pourtant -théoriquement- basé sur la séparation des pouvoirs. Cette loi fondamentale , issue d’une constituante a jeté les fondements d’une transition démocratique pérenne, d’un Etat s’appuyant sur un équilibre et sur une séparation des pouvoirs, garantissant les libertés et les droits de l’Homme, soutenu par de hautes instances constitutionnelles indépendantes, chargées de contrôler la transparence, la légalité et la constitutionnalité de tout ce qui touche aux affaires de l’État et à ses institutions.
Elle limitera au strict minimum, les prérogatives du président de la République, la volonté générale étant non seulement d’en finir avec le régime présidentiel, mais aussi d’éviter à jamais la concentration des compétences politiques au sein de l’Exécutif.
L’Assemblée constituante fera plus, puisqu’elle réservera le vrai pouvoir au seul Parlement et cadenassera la Constitution de sorte qu’il soit, en pratique, presqu’impossible de le dissoudre. La phobie d’un nouveau Bourguiba ou d’un autre Ben Ali n’a fait que transposer l’hégémonie de camp.
D’ailleurs , dans son communiqué, le Courant démocrate a appelé le Président de la République à clarifier sa position à ce sujet, à se conformer aux dispositions de la Constitution et à respecter ses engagements.