Le voile de la discorde  - DIA
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Le voile de la discorde 

DIA-08 mai 2016: Si je devais parler d’un tel sujet, je ne me porterai pas comme spécialiste ou alors avocate des filles voilées mais simplement comme observatrice et citoyenne qui se pose des questions. Une, en particulier, me taraude et m’oblige à regarder la vérité bien en face, c’est celle qui questionne le comportement et la responsabilité de chacun dans ce désastre qui a amené des jeunes à se faire exploser et à entrainer avec eux d’innocente victime dont le seul crime est d’avoir été là, au mauvais endroit au mauvais moment ! Je crois que la capacité que chacun à de se mettre à la place de l’autre peut être un moyen d’avoir quelques clés pour éclairer le débat. Je me mets donc dans la posture d’une jeune femme qui a choisi sa voie et qui tente tant bien que mal, de s’y tenir… je la laisse s’exprimer afin qu’elle me dise pourquoi elle est passée de terrorisée à terroriste ?

Chers tous,

Au moment où vous lirez cette lettre, je serai déjà loin. Je serai près des miens, près de ceux qui veulent de moi, près de ceux qui me ressemblent et me comprennent.

Cela fait des mois que j’organise ce voyage à votre insu… des mois que je redoute le moment de vous faire mes adieux et d’aller là où Dieu m’a guidée. 

Je ne suis pas très courageuse et je n’aurai pas la force de supporter votre refus, vos larmes et vos cris, alors je préfère m’en aller ainsi, et vous laissez  cette lettre sur la table de la cuisine. Que Dieu me pardonne la peine que je vous aurais infligé et qu’il vous guide sur le bon chemin, celui des justes.

Maman,

Je commence par toi car je sais que tu seras la première levée et cela depuis 30 ans.  Maman comme à ton habitude tu mettras la cafetière italienne sur le gaz et le lait dans une casserole.

Tu ne seras pas capable de lire la lettre car tu ne sais pas lire. Maman, j’ai toujours eu de la peine pour toi, car malgré tes douleurs, ton déracinement, tu es sortie de tes préoccupations pour te consacrer, te sacrifier et avoir mal dans le silence. Les seuls moments où je te surprends enfin être toi-même c’est sur ton tapis de prière. Là, je ressens avec quelle ferveur tu te tournes vers Allah, le seul qui t’écoute, qui t’entend peut-être, le seul en qui tu as une foi inébranlable, le seul à qui tu confies tes peines, tes douleurs, tes inquiétudes, tes souhaits… et c’est fou, comme cela te donne une force incroyable. Cette même force qui t’a permise de tous surmonter. Absolument tous, cette vie de sacrifices, d’indifférence, de quasi anonymat.

Le bonheur pour une fille est de voir sa mère sourire et moi, je ne t’ai pas vu souvent sourire.  Croyante, silencieuse, résignée, rasant les murs quand tu sors ! Tu m’as toujours dis que l’on ne doit pas se faire remarquer ; comme si c’était une honte d’être ce que l’on est maman ! Pourquoi maman ? En quoi le fait d’être arabe et musulman est une tare …

Voilà pourquoi je pars maman… nous ne sommes pas les bienvenus ici… cet ici, qui est autant chez nous que tout les autres pourtant chaque jour, chaque moment on doit faire nos preuves et surtout montrer patte blanche. Hier encore, une femme avec qui je discutais me faisait comprendre que l’on devait respecter les règles du pays qui nous accueille et en guise de bonne foi, elle m’explique qu’elle en fait de même dans chaque pays qu’elle visite. Tout est résumé dans ces quelques phrases qu’elle me dit : à l’instar des autres, elle nous voit comme d’eternels touristes, de simples visiteurs qui doivent effectivement bien se comporter.

Selon les papiers et la loi, nous sommes bien français pourtant … tous les jours on nous fait comprendre que nous ne le sommes pas entièrement puisque l’on doit se couler dans le moule du moment. Et le moule du moment refuse que je me voile !

Je me sens rejetée dans mon essence, dans mon parcours et ma quête spirituelle. Nous sommes des victimes collatérales du terrorisme pourtant on nous classe dans le clan des bourreaux. Ils réduisent notre Djihad, notre quête spirituelle, intérieure que nous gardons secrète et personnelle, à un complot terroriste. Ils en font un instrument de stigmatisation, d’humiliation. Tu luttes chaque jour pour tirer le meilleur de toi, être la plus ouverte, la plus compréhensive et normale pourtant à chaque clic, à chaque pas, à chaque regard on te range dans les rangs des probables monstres.

Cette aseptisation et cette chasse aux sorcières qui se pratiquent en France, sous couvert de bonnes intentions, me défrise le cheveu. Chaque fois que l’on suppose vouloir m’aider à m’en sortir, c’est comme un coup enfoncé en plein cœur. Moi, qui lis, qui essaye d’éveiller ma spiritualité, moi qui pratique une religion de paix, moi qui donne de mon temps, de ma personne, moi qui inclus tout le monde et toutes les réalités, je me sens salie.

Ne peuvent-ils pas comprendre que la réalité, à des dimensions multiples, qu’il peut exister des femmes oppressées, des imams pervers, des prêtres pédophiles, des catholiques et des juifs extrémistes mais cette minorité ne représente pas l’ensemble de la population des croyants.

La religion est censée donner des valeurs, des fondements pour une vie meilleure et je tâche de combattre toute sorte de dérives. Celles qui paraissent bien pensantes, en général,  sont les pires car à trop vouloir bien faire, on fait mal !

Des milliers des jeunes vont rejoindre les rangs des armées séditieuses aux Moyen Orient car ils sont manipulés par les discours de pseudo-religieux assoiffés de destruction. Ne jouons pas le jeu de ces gens-là, en poussant nos enfants dans leur bras… lorsque nous nous amusons à dénigrer ceux qui ont choisi le chemin de la foi. Écoutons-les au même titre que les autres sans les diminuer. Faisons leur comprendre qu’il y a surement de l’injustice dans ce monde comme il en aura toujours eu et que le combat qu’ils doivent mener, ils peuvent le faire de chez eux à coup de mobilisation intellectuelle, d’action culturelle et d’œuvre de générosité.

La tolérance ne nécessite que l’intelligence comme arme !

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